Depuis le coup d’Etat du 19 septembre 2006, le nouveau gouvernement thaïlandais tente laborieusement de légitimer son autorité. Les séjours à Singapour de Thaksin Shinawatra mettent sous tension les relations diplomatiques entre les deux pays.

« Le gouvernement de Singapour devrait être plus prudent avec les visites de Thaksin Shinawatra sur son territoire puisque la Thaïlande a révoqué son passeport diplomatique le 10 janvier », a déclaré le Premier ministre thaïlandais Surayud Chulanont, cité par le quotidien thaïlandais The Nation, à propos de l’ancien chef du gouvernement renversé par le coup d’Etat militaire du 19 septembre 2006. « Cette déclaration a suivi la décision du gouvernement thaïlandais d’annuler la visite, prévue pour fin janvier, du ministre des Affaires étrangères de Singapour, George Yeo.

Les raisons de ce refroidissement diplomatique trouvent leurs origines dans les séjours que Thaksin Shinawatra à Singapour. The Nation a suivi de près le parcours de celui-ci : « Thaksin Shinawatra est arrivé dans la cité-Etat le 12 janvier pour une visite de quatre jours. Il a dîné avec le vice-Premier ministre, Shunmugam Jayakumar. Les raisons de sa visite n’ont pas été clairement établies, mais elles n’ont pu être seulement personnelles. » Depuis son éviction du pouvoir, l’ancien Premier ministre voyage : il a notamment séjourné à Londres, Bali, Hong Kong et Pékin.

Selon l’éditorialiste du Bangkok Post, Singapour aurait fait un autre faux pas en « autorisant M. Shinawatra à utiliser son territoire pour donner des interviews à la chaîne américaine CNN (censurée en Thaïlande par décision du CNS, au pouvoir depuis le 19 septembre) ainsi qu’à l’édition asiatique du Wall Street Journal. Il y critique le gouvernement du général Surayud Chulanont et notamment la politique économique. Le gouvernement de Singapour ne peut feindre l’ignorance et fournir une reconnaissance implicite à Thaksin Shinawatra sans s’exposer à de sérieuses conséquences dans les relations bilatérales que l’île entretient avec la Thaïlande. » Jeudi 18 janvier, un groupe d’étudiants a organisé une manifestation devant l’ambassade de Singapour à Bangkok pour exiger des explications de la part des autorités singapouriennes.

Cité par The Nation, le porte-parole du ministre des Affaires étrangères thaïlandais, Kitti Wasinondh, justifie les mesures thaïlandaises. « A la suite du coup d’Etat, le président de Singapour, Sellapan Rama Nathan, avait promis, lors d’une entrevue avec notre Premier ministre Surayud Chulanont, que Singapour ne trahirait pas la Thaïlande et qu’il ne porterait pas atteinte aux relations de confiance et d’entente établies entre les deux pays. » Selon le Bangkok Post, M. Wasinondh a affirmé « que ces mesures étaient nécessaires afin d’exprimer l’insatisfaction de la Thaïlande qui, compte tenu de la situation politique actuelle, a jugé insensible la conduite de Singapour. Nous avons expliqué notre position à plusieurs reprises sans avoir été entendus. Nous avons donc été contraints de réagir. » Il a toutefois espéré « que les relations commerciales ne seraient pas affectées par ces représailles ».

Le professeur Surachart Bamrungsuk, expert sur les questions de défense et de sécurité de l’université thaïlandaise de Chulalongkorn, fait entendre sa voix dans les colonnes du Bangkok Post. « La décision thaïlandaise montre que le gouvernement est beaucoup trop préoccupé par les faits et gestes de Thaksin Shinawatra. La Thaïlande ne devrait pas s’amuser à bouleverser les relations diplomatiques qu’elle entretient avec ses voisins à cause d’une seule personne. Ainsi, les déplacements de M. Shinawatra n’auraient pas d’impact psychologique sur la situation politique et la sécurité intérieure de la Thaïlande. »

Pour l’éditorialiste du Bangkok Post, le gouvernement thaïlandais porte une part de responsabilité dans cette « débâcle ». « Le gouvernement aurait dû clarifier le statut de Thaksin Shinawatra une fois pour toutes. Cela aurait permis aux gouvernements étrangers de savoir comment le traiter. Le flou qui l’entoure est un autre signe de la faiblesse et de l’incapacité à prendre des décisions du gouvernement de Surayud Chulanont. »

Thaksin Shinawatra est arrivé au Japon le jeudi 18 janvier au soir pour une visite de trois jours. « Le ministère des Affaires étrangères thaïlandais a envoyé de forts signaux en direction des autorités japonaises afin que son séjour se fasse dans la discrétion », écrit le Bangkok Post.

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