Le Soï 33 sur Sukhumvit est un endroit tout à fait particulier à Bangkok. On y trouve de très belles filles parlant bien l’anglais. Elles sont très souvent de l’Isaan – région pauvre du Nord-est de la Thaïlande – comme 80 % des filles qui font ce métier. Mais elles ont la particularité d’être des modèles dans leur genre. En effet la majorité des bars portent des noms de peintres célèbres, Renoir, Van Gogh, Manet, Monet…
Dans ces bars les filles sont souvent en robes longues, certaines sans rien dessous pour mieux sentir le froufrou du tissu et les mains des clients.
Guk travaille au Van Gogh. Elle a vingt cinq ans. Les cheveux noir geai, courts à la garçonne ce qui la distingue des autres. Elle est très belle avec de beaux yeux en amande et un sourire aux dents resplendissantes. Elle travaille dans ce bar depuis quatre ans. Son job est simple. Elle est là pour faire boire les clients, se faire pincer les fesses et de temps en temps partir avec eux. Elle fait ça de six heures du soir à une heure du matin. Contrairement aux autres filles qui travaillent au Van Gogh elle ne porte pas de robe longue, bien au contraire elle porte une mini robe noire qui cache à peine son slip.
– Je suis arrivée de Kon Khaen il y a quatre ans. Mes parents sont agriculteurs en Isaan et ils se sont saignés aux quatre veines pour me permettre d’aller à l’université. J’ai appris le management et les langues. Il y a cinq ans je suis tombée amoureuse d’un copain de fac et il m’a fait un gamin. Ensuite, avant que j’accouche, il est parti avec une autre fille. Je ne voulais pas que mes parents aient une autre bouche à nourrir sans participer aux frais.
Je leur ai laissé mon fils et je suis venue travailler à Bangkok. Kon Khaen est une grande ville avec beaucoup de sociétés mais les salaires, frôlent la misère, alors je n’aurais pas pu entretenir mon fils chez mes parents avec ça. Je veux qu’il ait une bonne éducation, qu’il aille dans une vraie école. Je veux qu’il soit informaticien et il faut qu’il aille dans une école qui le prépare pour ça. Je veux pas qu’il fasse comme tous ces jeunes qui prennent du ya-bah (amphétamine) et qui savent plus où ils habitent ensuite…
Christian Eymaël
Pierre Richard Hardy
Éditions Bamboo Sinfonia