Comme s’il n’y avait pas assez de problèmes en Thaïlande avec l’instabilité politique, les combats de rue entre milices de partis rivaux, le recul des entrées touristiques, les inondations dans le Nord du pays, et la crise économique et financière. Voila que le royaume se retrouve au bord de la guerre avec le Cambodge à propos d’un litige frontalier qui dure depuis plus d’un siècle. Mais sur cette frontière il y a un temple, et c’est un sujet de discussion qui peut rapidement dégénérer entre les deux pays limitrophes.

Le temple de Preah Vihear

La Thaïlande avait envoyé hier 900 hommes en renfort aux abords du temple de Preah Vihear,  après que le Premier ministre cambodgien Hun Sen ait fixé à mardi, 12h00 (05h00 GMT) la limite pour que les 84 soldats thaïlandais se retirent de la zone Veal Intry, à  environ 2 km à l’ouest du temple Preah Vihear.  Hun Sen avait menacé lundi de transformer la région en « zone de mort » si les Thaïlandais ne s’en retiraient pas avant son ultimatum. Ultimatum que refuse Bangkok car selon le Premier ministre  thaïlandais Somchai Wongsawat, la  Thaïlande ne retirera pas ses troupes de la zone  frontalière en litige.

M. Somchai a affirmé que le comité conjoint des deux pays  devait d’abord parvenir à un accord sur les modalités du retrait.  Depuis le mois de juillet, la tension ne cesse de monter entre les deux pays après que le temple Preah Vihear ait été inscrit au patrimoine  mondial par l’Unesco, déclenchant la colère des  nationalistes thaïlandais, qui revendiquent la souveraineté de  leur pays sur ce site.  Le Cambodge avait alors décidé de fermer le temple de Preah Vihear, en invoquant la crainte de manifestations de mécontentement coté Thailandais. Le gouvernement de M.Samak avait aussi été critiqué par l’opposition en Thaïlande pour avoir accepté trop rapidement le plan de partage du Cambodge, ouvrant la voie au classement du temple au patrimoine de l’humanité.

Le Cambodge avait déposé en 2005 une première demande de classement du temple de Preah Vihear, qui avait été rejetée en raison de l’opposition thaïlandaise portant sur un différend frontalier. La propriété du temple a été officiellement attribuée au Cambodge, il y a environ un siècle en 1904. Mais en 1954, peu de temps après l’indépendance du Cambodge, les forces thaïlandaises avaient occupé le temple. En réponse, le Cambodge a porté l’affaire devant les tribunaux internationaux et a obtenu gain de cause.

Mais les autorités thaïlandaises ont fait valoir que la frontière était censé suivre la ligne des bassins versants de la montagne, et que selon cette règle le temple leur appartenait. Le tribunal international de La Haye a finalement statué contre la Thaïlande en 1962 et la Thaïlande a retiré les troupes. Mais aujourd’hui le conflit entre les deux voisins rebondit et prend une couleur dangereusement nationaliste.

L’escalade verbale coté cambodgien prend aussi une tournure inquétante: le Premier ministre cambodgien Hun Sen évoquant un  conflit armé « de grande envergure » si les  troupes thaïlandaises ne se retiraient pas immédiatement de la  zone frontalière proche du temple Vihear.  Le temple Preah Vihear a été construit principalement au cours des 11e et 12e siècles, lorsque l’empire khmer était à son apogée et dominait la province du Siam. Du 9ème au 14ème siècle, le Cambodge a connu un « âge d’or » dont l’apogée au 12ème siècle, sous les règnes de Suyavarman II (1113-1150) et Jayavarman VII (1181-1219), a été marquée par l’extension de l’empire angkorien sur une vaste région allant du Siam (actuelle Thailande) à la péninsule malaise. C’est peut être ce qui rend l’affaire si délicate: la construction de ce temple remonte précisément à une époque ou l’empire khmer dominait la Thaïlande.

C’est que la question de la rivalité entre les deux pays peut facilement devenir explosive, surtout en matière de temples: en janvier 2003, des émeutes ont éclaté à Phnom Penh alors qu’une fausse rumeur prétendait qu’une actrice thaïlandaise avait affirmé qu’Angkor Vat appartenait à la Thaïlande. L’ambassade de Thaïlande ainsi que divers centres d’intérêts thaïlandais, avaient été mis à sac dans la capitale cambodgienne. La propriété des temples est donc un sujet avec lequel il vaut mieux s’abstenir de plaisanter, que l’on soit Cambodgien ou Thaïlandais.

1 comment
  1. Lundi alors que le ministre des affaires étrangères de la Thaïlande se trouvait à Phnom Penh pour négocier, on était arrivé à l’accord suivant :

    Hor Nam Hong (le ministre du Cambodge) a par ailleurs proposé à Sompong Amornvivat que les deux pays retirent leurs troupes de la pagode de Keo Sikha Kiri Svara, aujourd’hui occupée par dix soldats de chaque pays, et à l’extérieur de laquelle chaque armée a positionné vingt autres soldats.

    Le ministre des Affaires étrangères cambodgien a également suggéré que les soldats des deux pays se retirent des temples de Ta Moan Thom et de Ta Krabey, et que les forces soient réduites sur tout le long de la frontière.

    Trois rendez-vous ont également été proposés par la partie cambodgienne : une réunion des deux groupes de la task force entre le 21 et le 24 octobre à Siem Reap, une réunion du comité mixte de démarcation entre les 3 et 7 novembre au Cambodge et une nouvelle rencontre des ministres des Affaires étrangères entre les 19 et 20 novembre en Thaïlande.

    Sompong Amornvivat a indiqué que les propositions et le calendrier soumis par Hor Nam Hong ne pouvaient être approuvés par la Thaïlande sans être validés par l’Assemblée nationale.

    **********************************************

    De toute façon, les gvt Cambodgiens et Thaïlandais s’étaient téléphoné auparavant pour que cette réunion soit enfin celle qui enterrerait définitivement la pomme de discorde créée en juin par l’opposition au gvt de Bangkok.

    Et pourtant, ce lundi, au même moment (pas la veille, pas le lendemain, pas 3 heures après), l’armée thaïlandaise envahissait une partie de terrain « sensible ».
    C’est exactement la définition d’une provocation avec la petite touche locale de billard à trois bandes : à la fois on rend fou de rage Hun Sen, on torpille les négociations, on discrédite le gvt de son propre pays et on oblige le pauvre Somchai à endosser les habits de chef de guerre.

    Hun Sen est, bien évidemment fou de rage, de s’être fait mener en bateau ainsi, d’avoir été trahi et de voir que l’armée thaïe ne souhaite surtout pas une issue pacifique ; sans parler du fait que les Thais semblent annexer de facto les zones controversées.

    Les négociations sont torpillées. Déjà l’annulation de la venue du premier ministre confirmait que la Thaïlande était, à l’international, en état de coma dépassé. Off the record, les diplomates de tous les pays sont épuisés de ne pouvoir rencontrer d’interlocuteurs en Thaïlande. Alors que Hun Sen s’inquiétait le mois dernier de savoir si la Thaïlande pourrait accueillir les importants sommets internationaux de décembre, les Thais s’étaient sentis vexés par cette question. Maintenant, ce sont les Thaïlandais eux-mêmes qui réclament le report des réunions. La Thaïlande, pourtant présidente de l’ASEAN actuellement, a totalement discrédité l’organisation.
    Cette absence sur la scène diplomatique n’est pas si grave… sauf dans le cas des négociations avec le Cambodge car celles ci deviennent impossibles au moment où elles deviennent indispensables et urgentes.
    La visite prévue lundi dernier de Somchai aurait sans doute arrangé les choses mais il annulé pour des raisons qui ne sont pas claires.
    Par ailleurs, comme maintenant toute décision doit être contresignée par le pouvoir judiciaire de Bangkok (« aux ordres » comme on le sait), les décisions du gvt dans le domaine des affaires étrangères n’ont aucune valeur. Et pendant ce temps, la situation se dégrade sur le terrain.

    Somchai qui est sans doute le premier embêté de voir l’armée de son pays se comporter de manière aussi agressive est contraint de prendre les poses d’un défenseur de la mère patrie.

    L’armée qui, rappelons le, prétend n’obéir qu’au roi a donc réussi son coup, la guerre pourrait permettre la réunification de la population thaïlandaise contre un ennemi commun. Ennemi forgé de toutes pièces car 90% des Thais n’ont rien d’autre qu’un léger mépris pour les Khmers et sans doute pas l’envie de se battre.
    Ceux qui me lisent savent que c’était déjà l’objectif de Sondhi (dont on sait maintenant qu’il a plus que des sympathies au palais) dès juin.

    Avant juin, les zones contestées étaient démilitarisées et on feignait de croire qu’un comité Théodule parviendrait à délimiter les frontières un jour où l’autre. L’important était de maintenir le statut quo pacifique. Et cela fonctionnait bien, cela reposait sur la bonne volonté de chacun et les deux parties jouaient le jeu.
    En juin l’opposition à Bangkok commence à déstabiliser le gvt, ce qui provoque des incidents à la frontière. La Thaïlande envahissait une des ces zones avec une force armée importante en juillet. Deux rounds de négociations plus tard, les zones étaient à nouveau vides et promesse était faite de part et d’autre de ne plus y entrer. Peine perdue, les Thais se sont remis à entrer dans à peu près toutes les zones. A chaque fois, les Cambodgiens rouspétaient et les Thais se retiraient mais on sentait bien que les incursion thaïes se faisaient plus fréquentes, invasives et précises. Il s’agissait bien de provocations ce qui incitaient les Cambodgiens à demander à ce qu’on trace les frontières au plus tôt afin de maintenir la paix, mais ceci n’est pas dans l’agenda thaïlandais (enfin celui de l’armée ou du palais).
    Hun Sen est impulsif et les Cambodgiens sont chatouilleux lorsqu’on les cherche, ils ont fait preuve d’une grande patience et ils prévenaient depuis des semaines qu’il fallait rapidement trouvé une solution, ils l’ont dit et écrit. Ils ont hurlé leur désir de paix (encore ce matin au président Indonésien). Dans le désert.
    Ils craignaient qu’un jour ils ne soient obligés de répondre aux provocations. Ce jour est arrivé.

    Depuis des mois la question qui se posait à Phnom Penh était la suivante : Pour ne pas sombrer toute seule ou pour tenter de refaire son unité sur le dos d’un tiers, la Thaïlande, emmenée par qq vieillards cacochymes, aurait elle le cynisme de sacrifier la paix et la vie de milliers de jeunes hommes (ne parlons pas encore de civils)? La réponse est indubitablement « oui ».

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