Mais où est donc passée Yingluck Shinawatra ? Il faudra pour l’instant se contenter des explications embarrassées et partielles du gouvernement pour se faire une opinion sur la question.
Si l’on s’en tient aux faits : aucune preuve matérielle n’est venu pour l’instant confirmer la thèse de la fuite à l’étranger de Yingluck Shinawatra.
La version officielle est pour l’instant celle d’un bourde monumentale : la junte militaire au pouvoir en Thaïlande a bien reconnu avoir laissé filer l’ex-Première ministre à l’étranger, à la veille du verdict de son procès.
Hier les généraux ont même reconnu qu’elle avait franchi sans encombre un poste de l’immigration non loin de la frontière avec le Cambodge voisin : le général Prawit Wongsuwan, vice-Premier ministre, a affirmé détenir la preuve en images de son passage en voiture vers la frontière cambodgienne.
Yingluck Shinawatra, la fille de l’air
Mais sur la présentation desdites images, il n’a pas donné plus d’informations, laissant une fois de plus la place à un vide embrassant.
L’apparent manque de transparence du régime militaire sur les conditions exactes de son départ, et surtout sur les soutiens officiels dont elle a pu bénéficier, affecte gravement l’image de la junte aux yeux du public.
Estime de son côté Arnaud Dubus dans un article pour RFI
Une source, des sources etc….
Une source haut placée au sein de la junte avait indiqué fin août que Yingluck avait fui à Dubaï, en passant par le Cambodge et Singapour. L’information a ensuite été confirmée par des hauts responsables du Peu Thai, le parti politique d’opposition qui soutient Yingluck Shinawatra.
Mais ni le Cambodge, ni Singapour, et encore moins Dubaï, où réside Thaksin Shinawatra, son frère qui est également ancien Premier ministre en fuite, n’ont depuis confirmé ou infirmé cette version des faits, qui ne repose finalement que sur des témoignages indirects et non recoupés.
Les faits, c’est pour le moment ce qui manque le plus dans cette histoire rocambolesque de fuite à l’étranger sur fond de dictature militaire.
En vérité si l’on s’en tient aux faits avérés, Yingluck pourrait aussi bien être toujours en Thaïlande et préparer un come-back dont la famille Shinawatra a le secret. Cela ne serait pas la première fois.
La fin de la saga Shinawatra ?
Et si la saga Shinawatra ne faisait que commencer ? Thaksin le milliardaire en exil a déjà fait la preuve de son incroyable résilience, et quelque soit son destin, celui de la famille Shinawatra est d’ores et déjà assuré de figurer en bonne place dans les livres d’histoire sur la Thaïlande.
La famille Shinawatra compte déjà à son actif deux exceptions notables dans la vie politique thaïlandaise.
Thaksin est le seul Premier ministre de l’histoire de son pays à avoir remporté les élections deux fois de suite (en 2001 et 2006), et sa sœur Yingluck est la première femme à avoir été élue au poste de Premier ministre en Thaïlande.
Si l’on fait le compte de ses mandataires, affidés et avatars qui l’ont plus ou moins bien représentés dans la vie politique thaïlandaise, Thaksin peut se targuer d’avoir remporté quatre fois les élections: personnellement en 2001 et 2006 en tant que Premier ministre élu, avec son parti et son beau frère élu en 2007, et avec sa sœur élue en 2011.
De ce point de vue le bilan de ses opposants est un échec total : non seulement l’ex premier ministre n’a rien perdu de sa popularité auprès de son électorat, mais sa sœur totalement inconnue avant les élections du 3 juillet 2011 est maintenant aussi populaire que son frère auprès des masses rurales.
Une disparition bien pratique
Sa disparition arrange bien les affaires de la dictature militaire qui va enfin pouvoir organiser des élections sans prendre le risque d’être une nouvelle fois désavouée par l’électorat au profit d’un membre de la famille Thaksin. A moins que…
PS : Le titre de l’article est une allusion au roman “L’homme qui s’envola” le passionnant roman d’Antoine Bello qui raconte la disparition et la fausse mort mise en scène par lui-même d’un chef d’entreprise aux États-Unis.