Dans le cadre de la prochaine réédition de sa Monographie nationale sur la Thaïlande contemporaine (dernier trimestre 2010), l’Irasec propose des pistes de réflexions sur les origines d’une crise vues par quatre chercheurs : Jacques Ivanoff (CNRS –Irasec), Olivier Ferrari (Irasec – CUSRI), Narumon Hinshiranan Arunotai (Université Chulalongkorn – CUSRI) et Arnaud Leveau (Irasec).
Le centre économique et commercial de la capitale s’est transformé début avril en un vaste camp retranché insurrectionnel : quel spectacle peut-il mieux faire comprendre le malaise de la Thaïlande, que celui de cette « masse paysanne » au coeur de celle de la ville marchande, composée d’une élite de nouveaux riches qui estiment être les « vrais Thaïlandais », bâtie par des paysans, devenus pendant une génération, les travailleurs immigrés dans leur propre pays. Le face-à-face oblige chaque camp à affronter des questions de société qui surgissent non pas spontanément, mais qui auraient dû être réglées depuis longtemps.
Pour aller de l’avant en Thaïlande, il va falloir réduire le différentiel entre développement économique et social et donc accepter l’idée que la poursuite du libéralisme a créée des classes sociales, une réalité dont on n’a pas voulu accepter le nom car, en Thaïlande, on estime être différent.
Dès les années 1960, les gouvernements ont construit un discours qui a imposé la « manière thaïlandaise » de gérer les relations sociales (compromis, corruption, népotisme et clientélisme) basée sur un principe idéologique, la thainess, qui définit qui est Thaïlandais et ce qui est thaïlandais. Mais, ce concept et les discours qu’il engendre fonctionnaient dans un moment historique donné, révolu aujourd’hui, celui du monde bipolaire qui a fait place à un monde polycentré avec de nouvelles manières de faire.
C’est ce verrou protecteur créé par les élites gouvernementales qui est en train de sauter. Et paradoxalement, c’est Thaksin Shinawatra, un représentant de l’élite urbaine affairiste, notoirement corrompu, qui a sorti de leur léthargie politique les paysans et les pousse aujourd’hui à présenter leurs revendications dans la capitale.
Ouverture politique et discussion de fond, retour en arrière ou répression, telle
est l’équation.
-Jacques Ivanoff – Irasec
Depuis que son populisme a donné aux gens des campagnes une place dans le jeu politique, il est devenu une figure tutélaire du mouvement rouge qui s’est servi de son image pour se donner une légitimité (il a été élu et on le soutient au nom de la démocratie), mais dont on aimerait parfois se débarrasser aussi. Thaksin, c’est l’homme fort (et donc riche), celui qui fait ce qu’il dit et qui aide : il a sauvé la jeunesse durant la lutte contre la drogue, a rendu la fierté au pays en remboursant le FMI, a gelé les dettes des paysans et a donné de l’argent aux villageois.
Ces actes, populistes certes, n’en étaient pas moins des symboles très forts (la fierté retrouvée de la Thaïlande) et des réalités tangibles pour les villageois (l’existence des pauvres reconnus, la jeunesse reprise en main…). Voilà un populisme efficace qui a interdit un retour en arrière, qui a fait perdre pied au fonctionnement traditionnel de la valse des factions politiques et de l’achat généralisé des voix.
Jacques Ivanoff (extraits)
Pour lire ce texte en entier, la publication de l’Irasec est téléchargeable sur le lien suivant : http://irasec.com/components/com_irasec/media/upload/OP13-ThailandeCrise_web.pdf
Thaïlande : aux origines d’une crise
Jeudi 17 juin 2010 à 19h30
Auditorium de l’Alliance Française, 29 Thanon Sathorn Tai
Entrée : 200 BHT, 150 BHT (étudiants et membres)
Billets en vente à la médiathèque de l’Alliance française (sauf le lundi)
Cette conférence sera prononcée en français. Elle sera suivie d’un cocktail.
Renseignements :
Tél : 02 670 42 30
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