Phra Dhammachayo, l’abbé fondateur et leader du temple Dhammakaya, est depuis le 25 janvier sous le coup d’un mandat d’arrêt par la Cour de la province de Phang Nga.

En juin et décembre 2016, la police a tenté par deux fois d’arrêter le moine, retranché dans son temple et protégé par ses fidèles. Il est accusé de détournement de fonds et aurait perçu des dizaines de millions de dollars grâce à ses malversations.

Phasura Dantamano, en charge des relations publiques pour le temple, affirme que les moines sont prêts à coopérer avec les autorités, mais

« [ils leur demandent] qu’elles viennent ici pour déposer plainte, car notre abbé, Phra Dhammachayo, (âgé de 73 ans), est un moine vieux et malade. »

De plus, ils accepteront les poursuites judiciaires que lorsque le pays sera de nouveau démocratique.

Un Moine ? un Leader ? un Gourou ?

La spécificité première de ce temple revient incontestablement à son leader : Phra Dhammachayo. Admiré et protégé par les fidèles du temple, il est la clé de la réussite de ce mouvement.

L’an dernier, 1000 officiers de police ont encerclé les 30 hectares du temple au nord de Bangkok. Chaque tentative d’arrestation de « l’abbé des riches » a été avortée face aux centaines de fidèles qui bloquaient les entrées du temple de Dhammakaya.

Phra Dhammachayo, l’abbé fondateur et leader du temple Dhammakaya
Phra Dhammachayo, l’abbé fondateur et leader du temple Dhammakaya

« Un bouclier humain ? Comment pouvez-vous appeler cela un bouclier humain ? Les fidèles étaient simplement assis sur le bitume et chantaient des versets bouddhiques » s’exclame Phra Phasura Dantamano.

L’État thaïlandais a préféré reculer face aux dévots vêtus de blanc, chantant des mantras bouddhistes. Il maintient cependant l’état de siège autour du temple par des points de contrôle et de nombreuses affiches indiquent que l’endroit est soumis à une instruction judiciaire.

Une multitude de plaintes retenues contre le temple

Les 3000 moines de Dhammakaya sont accusés par les enquêteurs de protéger leur abbé fugitif, et de 300 autres chefs d’accusation.

En effet, certaines constructions dans l’enceinte du temple auraient été érigées sans l’autorisation de l’Etat.

Dantamano évoque même un acharnement, « j’avoue ne pas comprendre pourquoi on s’acharne sur nous. Peut-être avons-nous trop de succès. » Le temple est particulièrement influent et surtout controversé. L’État et le reste de la communauté monastique s’en méfient.

Il est le plus puissant de Thaïlande, ses partisans sont des centaines de milliers dans environ 2000 autres pagodes de toutes les provinces. Son influence s’étend dans 33 pays différents, dont en France.

Sa puissance financière, soutenue par de nombreux hommes d’affaires, lui a même permis d’acquérir des parts dans une banque et diverses entreprises.

Un temple controversé en passe de dominer le bouddhisme

Le bouddhisme qui y est prôné paraît quelque peu hétérodoxe, ce qui pourrait expliquer le succès du temple. Il s’inscrit dans la société thaïlandaise d’aujourd’hui, capitaliste et consumériste. Dhammakaya prône une version matérialiste de cette religion.

« Le bouddhisme est un excellent produit, mais avec le plus souvent un très mauvais marketing », affirme Thattachivo, le moine abbé-adjoint du temple.

Le marketing permet aussi au temple de bénéficier des dons de ses généreux fidèles, principalement issus de la classe moyenne aisée thaïlandaise.

«Le mouvement Dhammakaya – en intégrant le capitalisme dans sa structure – est devenu populaire grâce aux Thaïlandais urbains pour qui l’efficacité, l’ordre, la propreté, l’élégance, la grandeur, le spectacle, la compétition et la réussite matérielle équivalent au bien», écrit Apinya Feungfusakul, conférencier en sociologie et en anthropologie à l’Université de Chiang Mai.

Cette branche hétérodoxe du bouddhisme Theravada pourrait acquérir une place de premier rang au sein de la hiérarchie bouddhiste.

Une influence décisive sur le clergé thaïlandais

Le 8 février dernier, le bonze Somdej Phra Maha Muniwong plus connu sous le nom de Somdet Chuang, est devenu officiellement le chef de l’Église thaïlandaise.

La désignation de Somdet Phra Maha Munivong, âgé de 89 ans, au poste de « Patriarche Suprême » ou chef de l’Église bouddhique thaïlandaise, met un terme à la longue controverse.

En janvier de l’an dernier, le Conseil suprême du Sangha – le conseil de vingt moines qui dirige la communauté monastique – avait nominé Somdej Chuang, l’abbé du temple Pak Nam Phasi Charoen, âgé de 90 ans.

Mais cette nomination avait alors été bloquée par le général Prayuth Chan-ocha, qui avait jusqu’à présent préféré rompre avec la tradition et ne pas soumettre son nom au roi, sous prétexte d’une affaire d’évasion fiscale.

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Somdej Chuang serait le propriétaire d’une Mercedes-Benz de la série 300B importée clandestinement pour ne pas payer de taxes

Et pour cause, le temple Dhammakaya n’est pas seulement controversé pour ses affaires judiciaires et ses pratiques religieuses.

Selon Jonathan Head, correspondant de la BBC en Asie du Sud-Est, le temple entretiendrait « des liens étroits avec l’ancien Premier Ministre Thaksin Shinawatra et le mouvement des chemises rouges qui le supportait », les principaux opposants de la junte au pouvoir.

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