Après plusieurs décennies de lutte acharnée contre les ravages de la méthamphétamine, le constat d’échec est flagrant : non seulement la drogue n’a pas disparu des rues de Thaïlande, mais son utilisation n’a fait qu’augmenter.
Au point qu’un membre du gouvernement thaïlandais se demandait récemment si une légalisation sous contrôle ne serait pas préférable.
En Thaïlande on l’appelle le Yaba, littéralement la drogue des fous, bhul bhuliya en Inde ou encore le Shabu aux Philippines et en Indonésie.
Le nom varie selon les régions, mais l’effet obtenu est le même: un sentiment d’euphorie, qui s’accompagne d’une hyperactivité physique, et d’une perte du sommeil.
Moins chère et plus populaire que le cannabis
La Méthamphétamine est une poudre cristalline blanche injectable directement dans le sang qui peut aussi être fumée, ingérée ou inhalée.
Psycho-stimulante, elle provoque une hypertension artérielle et une intense stimulation mentale. Les effets durent en moyenne 8 heures mais peuvent durer jusqu’à 24 heures.
En Thaïlande (et dans une grande partie de l’Asie du Sud-Est) la méthamphétamine est beaucoup plus populaire que le cannabis. C’est une drogue bon marché, puissante et appréciée aussi bien par les pauvres, que par les riches qui l’utilisent de manière festive.
Dans sa forme la plus simple la “meth” se présente sous la forme d’un comprimé de couleur vive à ingérer.
La rapidité à laquelle la méthamphétamine affecte une personne dépend de la façon dont elle est consommée.
- La drogue atteint le cerveau le plus rapidement lorsqu’elle est injectée ou fumée. Ses effets se font sentir en quelques secondes.
- Lorsqu’on la sniffe, ses effets se font sentir en 3 à 5 minutes.
- Lorsqu’on l’avale sous forme de comprimés, il peut se passer 20 minutes avant que la méthamphétamine fasse effet.
La composition chimique du Yaba est proche de l’amphétamine mais ses effets sur le système nerveux central sont plus prononcés.
Plus souvent répandue sous forme de pastille, cette “drogue du pauvre” est surtout utilisées par les routiers ayant besoin de rester éveillés sur plusieurs jours. Le crystal est quant à lui plus cher et intensifie notamment la pulsion et les relations sexuelles.
Alors que certains utilisent la Meth pour oublier une vie de pauvreté dont ils ont peu d’espoir d’échapper, d’autres la consomment de manière festive en boîte de nuit, plutôt sous forme de cristaux.
La meth est aussi utilisée comme coupe faim en créant une sensation de satiété que beaucoup de mannequins utilisent pour garder la ligne, mais avec des effets dévastateurs sur le long terme.
Un constat d’échec
Alors que dans les années 1960, le Yaba était en vente en libre service dans les stations services thaïlandaises. C’est en 1970 qu’elle sera définitivement interdite à la suite de nombreux accidents de la route impliquant des bus.
Cette drogue qui déferle sur la Thaïlande est plus violente et ravageuse qu’aucune drogue auparavant. Elle prend le contrôle de communautés entières au Cambodge, Birmanie et Thaïlande
En Thaïlande, plus de 90% des arrestations en rapport avec les stupéfiants impliquent de la méthamphétamine sous diverses formes.
Une répression peu efficace
La répression face à la consommation de meth reste peu efficace. Dans des propos recueillis par nos confrères du Bangkok Post, il est malgré tout possible que la consommation de méthamphétamine soit dépénalisée.
Le taux d’incarcération par habitant en Thaïlande est un des pires au monde : plus élevé que celui de la Chine et à égalité avec celui de la Russie, mais pas aussi élevé qu’aux États-Unis.
Beaucoup de détenus sont des délinquants non violents qui commettent des infractions liées à la drogue – la décriminalisation aiderait donc à désengorger le système pénitentiaire thaïlandais qui souffre de surpopulation chronique.
“Into the dark”, plongée dans les ténèbres de l’épidémie de meth
Du 13 au 15 janvier, la galerie d’Art Cho Why a exposé les clichés du photographe allemand Benjamin Haselberger sur l’épidémie de Méthamphétamine en Asie du Sud Est.
Le photo-journaliste Benjamin Haselberger immortalise des moments de shoot laissant entrevoir la détresse des victimes.
Lorsque l’on observe ces clichés, on se demande quelles chances ont ces personnes de sortir un jour ce ce cercle vicieux.
Embrigadés dès leurs plus jeune âge
Les revendeurs offrent aux jeunes de la meth dès leur plus jeune âge, ces derniers deviennent ensuite des consommateurs à vie. Les autorités impuissantes ne peuvent qu’observer cette nouvelle génération d’enfants sombrer dans le désespoir.
La pauvreté est étroitement liée à la consommation de drogue et produit un effet de synergie. D’après le Rapport mondial sur les drogues 2016 qui s’inscrit dans le sillage de la session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le problème mondial de la drogue : “Après être restées relativement stables pendant trois ans, les saisies de stimulants de type amphétamine ont atteint un nouveau chiffre record de 170 tonnes en 2014.
Vers une décriminalisation ?
Les activistes ont longtemps attiré l’attention des officiels thaïlandais sur les mauvaises conditions de détention des personnes incarcérées pour des délits liés à la consommation de stupéfiants, mais sans succès.
Ma nièce est dans une prison thaïlandaise pour avoir été arrêtée avec 6 pilules de méthamphétamine. Le juge a considéré que cette quantité était suffisante pour une intention de vendre et elle a été condamnée à six ans de prison.
Elle partage une cellule avec 40 femmes et leurs zones de couchage sont des marques de craie sur un sol de béton. Il y a un seau dans un coin qui sert de toilette – les nouvelles arrivantes dorment à côté du seau. Les aliments ne se composent que de riz et de légumes trop cuits.
témoigne David Freidberg
Mais ces dernières années, une princesse thaïlandaise, la princesse Bajrakitiyabha Mahidol, a considéré le sort des prisonniers comme une cause personnelle .
En Thaïlande, les initiatives soutenues par des membres de la famille royale sont très influentes.
La campagne dirigée par la princesse – appelée «Kamlangjai», qui signifie soutien moral – exhorte la société thaïlandaise à ressentir de la compassion pour les détenus, en particulier les femmes enceintes, et pour «ceux qui ont commis des erreurs».
Le général Paiboon Khumchaya, ministre de la Justice et homme fort de la junte déclarait fin 2016 : « le monde a perdu la guerre contre les drogues ». En évoquant l’article 44 de la constitution provisoire de la junte, la consommation de meth pourrait devenir légale.
Une mesure qui reste pour le moment mal perçue par le grand public et controversée.