Il ne fait maintenant plus beaucoup de doutes que l’épreuve de force aura bien lieu entre les « chemises rouges » et l’actuel gouvernement thaïlandais, même si les déclarations des principaux dirigeants de l’UDD (Union pour la  démocratie contre la dictature) , ont toujours promis une issue non violente à leur mobilisation. Mais le gouvernement thaïlandais a pour le moment rompu les négociation avec les manifestants sur l’organisation d’élections anticipées, alors que l’occupation du quartier des affaires fait monter la tension.

Que cherchent vraiment l’UDD et les « chemises rouges » en prolongeant leur mouvement, et en occupant la position stratégique du quartier des affaires de Bangkok ? De la réponse à cette question dépend en grande partie l’issue de la partie de poker menteur qui se joue en ce moment en Thaïlande.

L’UDD a refusé la proposition du gouvernement d’organiser des élections anticipées dans neuf mois, et continue à réclamer un scrutin sous15 jours. Mais elle sait très bien que cette revendication n’est pas acceptable, et ce pour personne : aucun gouvernement n’est capable d’organiser un scrutin en si peu temps, et celui-là serait beaucoup trop important pour être bâclé, ou organisé dans la précipitation et sous la pression de manifestations de rue.

A qui profiterait une issue violente du conflit qui oppose l'opposition au gouvernement ? Surement pas aux masses défavorisées que prétend représenter les chemises rouges

L’attitude intransigeante de l’UDD laisse tout simplement penser qu’elle un autre objectif ou un « hidden agenda » comme on dit dans la presse anglo-saxone: obliger les forces de l’ordre à intervenir et provoquer l’affrontement. Mais a qui profiterait une dramatisation des évènements ? A personne sauf à Thaksin qui joue en ce moment ses dernières cartes.

Depuis le début Thaksin a voulu jouer la partie au bluff : 1 millions de manifestants, 50000 pick up, une marée de sang, et peut être une « guerre civile » si les choses tournaient mal. Mais en face de lui Abhisit est reste très « poker face » sans jamais céder a l’intimidation et aux chantages de l’UDD, encaissant tous les coups sans broncher et si possible avec le sourire. Sans perdre la face en somme. Aujourd’hui Thaksin se retrouve « all in » contre son adversaire (ou tapis) : il a mis tous ses jetons sur la table sans réussir a le faire abandonner, et le moment est venu de montrer son jeu.

Thaksin s’est déclaré à plusieurs reprises convaincu que l’actuelle mobilisation  « est allée au-delà de Thaksin». Il a souligné que la lutte des chemises rouges dépasse les enjeux de sa personne, et est une lutte contre la dictature et pour la démocratie. Mais cet argument de fausse modestie pourrait aussi bien se retourner contre lui.

Le gouvernement joue la montre avec les chemises rouges, mais pour combien de temps ? les pertes economiques sont deja élevées, et la Thailande n'a pas vraiment besoin d'un nouveau chaos. Photo : Camilla Davidsson

Si tel est le cas, on pourrait prédire un succès important aux chemises rouges car leur combat est légitime. Il pourrait regrouper pas seulement les « chemises rouges » dont les objectifs et le programme sont pour le moins un peu flous, mais aussi beaucoup de Thaïlandais qui aspirent à un mouvement de grande envergure pour transformer la Thaïlande en un pays avec un avenir fondé sur l’égalité, la démocratie, la bonne gouvernance et la transparence.

Mais Thaksin est-il vraiment l’homme adapté pour résoudre cette équation politique. Il est sans doute celui qui a réveillé les campagnes et injecté une bonne dose de populisme dans les zones rurales qui ont déclenché  le mouvement d’aujourd’hui. Mais il est aussi le symbole de l’abus de pouvoir, de la corruption et de machinations politiques visant à censurer la presse et à affaiblir ses adversaires par tous les moyens. Depuis le départ il s’est présenté comme une victime de la dictature des militaires et comme un défenseur de la démocratie, endossant sans problème le costume d’un protecteur des droits de l’homme offusqué par le comportement des militaires.

Le programme politique de l'UDD est pour le moins flou, et si certaines de ses revendications sont légitimes, celle de faire revenir Thaksin dans le jeu politique est un handicap important

Un peu facile de se dire victime d’une machination alors que l’on a pas fait grand chose pour se pencher sur ses faiblesses, et ses erreurs. Sans vouloir justifier le coup d’Etat, la position de Thaksin serait plus facile a défendre s’il avait fait preuve d’un peu d’esprit critique envers lui-même, plutôt que de constamment rejeter la responsabilité des troubles sur ses adversaires.

L’ex Premier Ministre est devenu le symbole de dissensions profondes en Thaïlande, pas un symbole de la lutte pour la démocratie. S’il est sérieux au sujet de sa propre déclaration – alors il est temps qu’il se retire de la partie de poker qui se joue en ce moment.

Interrogé par un correspondant étranger s’il serait disposé à rencontrer M. Thaksin pour des entretiens, Abhisit a répondu assez franchement:

Si les chemises rouges veulent parler d’une nouvelle élection, je suis prêt à discuter des sujets sur la démocratie. Mais s’ils veulent soulever la question de savoir comment permettre à Thaksin de récupérer les biens saisis par le tribunal, c’est hors de question. Je ne suis tout simplement pas en mesure de m’immiscer dans le processus judiciaire

En ne prenant pas dès le départ la décision de se distancier de son mentor, l’UDD s’est condamné à rester un mouvement minoritaire qui ne peut pas rallier les classes moyennes, qui sont surement aussi très nombreuses a ne plus vouloir de l’influence occulte des militaires. Des lors le pari d’une mobilisation massive et « non violente » était perdu d’avance, et c’est pourtant le seul qui aurait sans pu obliger le gouvernement à négocier.

Il semble que le discours sur la non violence n’ait été pour les « chemises rouges » qu’un argument de communication publicitaire, désormais caduque compte tenu du rapport de forces défavorable dans lequel ils se trouvent en ce moment. Bon nombre d’entre eux ont d’ailleurs un long passé dans les rangs de la guérilla pro communiste qui a essaimé en Thaïlande après la répression de 1976. Qu’ont-ils appris pendant cette période ? Pas grand chose apparemment, puisqu’ils comptent visiblement encore sur un affrontement violent pour retourner la situation en leur faveur.

Lénine avait raison de décrire « Le gauchisme comme la maladie infantile du communisme », mais grâce à l’UDD, on sait maintenant que le gauchisme peut aussi être la dégénérescence sénile du communiste.

En fin de compte le grand gagnant des troubles pourrait bien être l’actuel Premier ministre qui a fait preuve jusqu’à présent d’un sang froid assez remarquable, même lorsque son propre domicile a été pris pour cible par les manifestants.

Abhisit a incontestablement acquis de l’autorité au fil du temps. De source gouvernementale, il a refusé à de multiples reprises de prendre des ordres auprès des militaires et même du palais. Il n’est pas vraiment royaliste. Ce qu’il défend, c’est uniquement ses prérogatives. Si le chef du gouvernement affirme entretenir de bonnes relations avec l’armée, il traiterait, dit-on, lui-même certaines questions de sécurité. Les rumeurs d’une mésentente avec le commandant en chef, le général Anupong Paochinda, sont probablement fondées.

estime Pavin Chachavalpongpun, Chercheur à l’Institut des études sud-est asiatiques de Singapour. La stratégie jusque boutiste de l’UDD pourrait bien aussi se retourner contre ses propres dirigeants, déjà avec des menaces d’arrestation, et au delà en risquant de perdre les prochaines élections dont seule date fait débat, mais certainement pas la nécessité. Qui aura envie de voter pour un parti dont les intentions revanchardes et rancunières sont pour le moins inquiétantes, et de surcroit incapable de faire la moindre concession ? Les sondages montrent que les Thaïlandais commencent a se lasser de la partie de poker des rouges contre les jaunes, et ils attendent sans doute un peu plus de maturité de la part de leurs dirigeants politiques.

Olivier Languepin

8 comments
  1. Messieurs les « rouges », je suis amusé de lire des « vous êtes farang/on est thais donc vous ne comprenez rien, votre analyse est bidon ». Tout d’abord je vous félicite de votre quasi-parfaite grammaire/syntaxe française, étant moi même métis et sachant les difficultés à ce niveau pour les « thai-thai » (cf. ma mère après 30 ans de pratique)…
    Suivant la crise de loin avec désarroi, je ne peux que me désoler de la médiocrité désarmante des leaders présents jaunes et rouges, qui sont clairement manipulés par + hauts et + intelligents qu’eux. Que penser d’un leader rouge (je ne me souviens pas du nom, mais c surement un video-montage ya 10 jours par la bbc qui étant farang ne comprend rien) qui demande « vous voulez la guerre civile? », en guise d’argumentation-chantage, et « on veut le départ immédiat du PM », en guise de programme politique? Honnêtement et objectivement, c’est désolant de voir des leaders pareils à la tête de mouvements qui ont des revendications pouvant être pour le coup bien réelles et légitimes. Et au fond, que veut Thaksin? A quoi riment toutes ses annonces, ses meetings en videoconférence avec des businessmen et/ou pécores? Vraiment, j’avais oublié, c’est un type tellement le coeur sur la main, il n’en peut plus de voir SOUFFRIR le PEUPLE THAI, il doit en pleurer tous les soirs j’en suis certain.
    Si les rouges sont si matures et sûrs de leurs arguments, pourquoi ne pas prendre leurs responsabilités : indépendance vis à vis d’un magnat des télécoms en exil, et oser dialoguer/débattre avec le gouvernement présent ?
    Désolé, Thaksin se débrouille plutot mal là dessus, on ne voit que lui au dessus de troufions excités et avides de pouvoir ne sachant déblatérer que des « aux chiottes le PM / I <3 Thaksin" à tout bout de soï. Ou bien est-ce sa seule solution pour son come-back?
    En tous cas j'espère de tout coeur que les leaders n'abuseront pas de leur populisme et de la haine inhérente en chaque humain (même thai!) pour mettre à sang le pays… cette crise, les coups de com' et pub, actions flash et autres à tout va pourrront aisément alimenter des thèses entières de psychologie des foules.

  2. Samedi soir… Mr THAKSIN sait compter, qui ne le sait pas ? 11 morts et 600 blessés pour revenir au pouvoir avec 9 mois d’avance, ça doit bien faire quelques millions de Baths de plus de récupérés ! Vive la téléphonie portable, vache à lait des nouveaux riches…

  3. Messieurs dite « ADMIN » (modo)
    Si DEMANDER une élection libre et démocratique « c’est défendre que les intérêts d’un milliardaire en exil » alors vous n’avez encore rien compris de la volonté des majorités du peuple THAI. De plus, avez-vous remarqué que les députés retournent facilement leur veste quand ils ont un intérêt quelconque.
    Voyons Messieurs, comparons ce qui est comparable entre la France et la Thailande. N’a-t-on pas décapiter un Roi en France à cette époque que vous pouvez être un « Homme libre et démocratique actuel ».
    Ne mélangeons pas ce qui se passe actuellement en Thailande à votre histoire bien respectable et inimitable. Vous êtes un FARANG et vous continuer à penser et à voir avec les yeux d’un FARANG qui est très différent et très loin de notre pensées THAI-THAI …
    De plus, en France, le gouvenement n’a jamais émis des MANDATS d’ARRETATIONS contre les manifestants. Tandis qu’ici, les mandats pleuvent et les militaires sont servis pour réprimer le Peuple sans défense. Au plaisir./.

  4. Vous avez une vision bien spéciale de l’histoire de France.
    Le changement de gouvernement sous les 3e et 4e (et même la période de Vichy que vous avez évitée) l’ont été au niveau du jeu parlementaire parfaitement légal.
    L’arrivée De Gaulle au pouvoir dans un contexte insurrectionnel et face à des généraux factieux (dont Massu) après le 13 mai 1958, a été validé par Assemblée nationale.
    Et tout général qu’il fut, c’est en tant que civil qu’il a accédé au pouvoir (comme Eisenhower au USA, le candidat à la vice-présidence était d’ailleurs Richard Nixon accusé, déjà, de détournement de fonds à son profit). Seule une partie de la gauche s’est ralliée au général et sa constitution autoritaire.
    Mais dans aucun de ces changements de pouvoir, des députés ont été destitués, dans le cadre d’une constitution (2007) résultant d’un coup d’État (2006), par un tribunal mis en place par des putschistes et appliquant des lois de façon très partisanes …
    Aucun des gouvernements de la France n’a été pareillement illégitime que celui mis en place par Prem et les militaires en 2008.
    Entre les rêves de Sondhi de voir 70% des députés nommés au lieu d’être élus et le retour à la constitution d’avant le coup d’État (1997), il y a tout une série de possibilités pour exclure les masses populaires de la vie politique. C’est la raison du temps que demande Abhisit. La proposition des Rouges n’est déraisonnable que hors contexte : ces derniers ne demandent pas la dissolution du gouvernement mais le départ d’Abhisit, la dissolution de la chambre basse et de nouvelles élections avant tripatouillage.
    Je vous le redis : les Thaïlandais ne sont pas des « singes » et les chemises rouges non plus ! Il ne font pas que défendre les intérêts d’un milliardaire en exil, qui est aussi le dernier Premier ministre légal (et réélu) de notre pays.
    Comme Berlusconi en Italie, et comme le nouveau président au Chili, entres autres, le fait d’être milliardaire n’est pas une incompatible ni avec le politique (hélas) ni avec la légitimité.
    Vous me semblez pareil au taureau dans une corrida, aveuglé par le rouge et par votre haine de Thaksin.

    PS : sI vous jugez que la Constitution de la Ve République a « des règles claires pour les élections et pour l’exercice du pouvoir » ça ne m’étonne qu’a moitié que vous ayez du mal à comprendre la réalité thaïlandaise.

  5. Certes Abhisit n’a pas été élu et est arrivé au pouvoir grâce a un changement de majorité au Parlement. Mais cela a aussi été le cas de la plupart des gouvernements de la France sous la III et la IVe republique de 1875 a 1940 et de 1945 a 1958. Est ce que la France était une dictature pendant toute cette periode ?
    Ça se discute. C’est d’ailleurs un militaire qui a mis fin a ce systeme en imposant une nouvelle Constitution avec des règles claires pour les élections et pour l’exercice du pouvoir. C’est ce dont la Thaïlande a besoin maintenant : de règles claires et d’élections indiscutables, dont tout le monde pourra accepter le résultat, sans le remettre en question par d’autres moyens. Que ces élections aient lieu dans 3, 6 ou 9 mois, comme le propose Abhisit ne changera rien au futur de la Thaïlande. Si les chemises rouges défendait autre choses que les intérêts d’un milliardaire en exil, ils auraient accepté de négocier un compromis de ce type, de même que la gauche en France a fini par accepter la Constitution d’un général putschiste en 1958. Mais le fait que leur revendication soit grotesque (une élection dans 15 jours, pourquoi pas cet dimanche midi apres l’apéro) et qu’ils cherchent a tout prix l’affrontement, démontre que leur posture de démocrates contre la dictature n’est qu’une facade.

  6. Eh Ben, c’est bien un Farang qui ne comprend rien sur la maturité Thai. C’est bien un Farang qui veut donner une leçon de Démocratie, de Liberté pour les Thai.
    Eh Ben, la Démocratie Française ne s’est pas fait en un jour non plus. Sachez que ABHISITH est monté au trône de Premier Ministre sans légitimité même s’il a la légalité à ses côtés. A chaque élections, c’est bien LES ROUGES, comme il a dit, qui gagnent à chaque élections. C’est pourquoi, Le Parti dite Démocratique ( Prasathipath) voulait d’abord changer les règles constitutionnelles en donnant plus de voix aux populations de Villes plutôt qu’aux populations de Campagne. Eh Ben, Les Rouges sont en majorité des gens d’ISSANE. Voyons, c’est bien « la guéguerre » des RATS de VILLE contre les « RATS de CAMPAGNE ».
    L’analyse d’Olivier Languepin est une Analyse de « Touriste Farang » qui n’a rien compris de la mentalité Thai. C’est bon pour un Farang qui aime voir superficiellement. Comprenez qu’un Thai qui sourit tout le temps, qui rigole même quand il a des difficultés, se cachent souvent des volontés bien farouches qu’un Farang ne peut rien comprendre./. ThongKham

  7. Quel article oriente!
    Il est etrange de voir transparaitre de facon aussi flagrante une envie d analyse sans fondement
    Le probleme est que vous ne semblez absolument pas comprendre ce qui se passe en thailande, il y a bien plus que thaksin, les rouges ne sont pas les « imbeciles fou de guerre » que vous tenter de decrire..il y aura a chaque election des rouges au pouvoir, car bangkok n’est pas la thailande, et il y aura surement un apres thaksin tout aussi flagrant. Abhisit est certe quelqu un de respectable je n en doute pas mais il est helas tres limite dans ses manoeuvres, si les rouges sont arretes et juges alors il y aura bien un double standard, j attends toujours les jugements des leader jaunes pour le blocage de sawanapoom

  8. Les leçon de poker du prof farang aux enfants (thaïlandais)
    Cette analyse de politique-fiction pédante ne figurera pas dans les manuels !
    Le délire sur les anciens guérilléros communistes est amusant quand ont sait le rôle, qu’ils ont joués et qu’ils jouent au coté de Sondhi et des Jaunes du PAD.
    Alors vous êtes dans les secrets des Rouges au point de connaitre leur stratégie. Les Rouges sont jusque boutistes ! Ils ont des intentions revanchardes et rancunières incapable de faire la moindre concession ! Le discours sur la non violence n’a été pour eux qu’un argument de communication publicitaire (« communication publicitaire » quel étrange pléonasme).
    l’UDD s’est condamné à rester un mouvement minoritaire dites-vous, mais depuis 10 ans les rouges ont toujours gagné les elections, c’est quoi pour vous « la majorité » ?

    Mais la cerise sur le gâteau c’est la référence à Lénine et son manifeste « La Maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») »
    En effet dans cet essai, Lénine critique très durement la stratégie suivie par une partie des communistes, et leur ligne d’ABSTENTION AUX ÉLECTIONS, en régime de démocratie parlementaire. Ce ne me semble être le cas des Rouges que dans vos spéculations.
    Vous ne prenez pas un grand risque, car je crois que, si beaucoup de Farangs nous prennent pour des ignares, il ne sont pas nombreux à avoir lu Lénine

    Pire votre manipulation médiatique, qui ramène toujours l’action et les motivations des Rouges à Thaksin… vous nous prenez vraiment pour des enfants.

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