Ils étaient classifiés en 4 catégories, par ordre de préséance,
1°) Ceux qui étaient issus du roi et d’une reine de sang royal, les « très excellents rejetons du sage seigneur ».
2°) Ceux qui étaient issus du roi et d’une princesse fille de roi, « les « enfants royaux de première classe ».
3°) Ceux qui étaient issus du roi et d’une princesse petite-fille de roi, les « enfants royaux ».
4°) Ceux qui étaient issus du roi et d’une concubine, les « jeunes gens royaux » (1).
Un premier texte ponctuel intervint sous Rama V le 13 août 1900 (année 128 de l’ère Rathanakosin). Elle concerne l’établissement d’un registre de l’état civil (naissance et décès) dans la seule province de Bangkok.
Elle prévoit que les naissances devront être déclarées dans les 15 jours et les décès dans les 24 heures mais les personnes de sang royal ne sont pas astreintes à ces formalités.
L’abolition de l’esclavage en 1905 va entraîner la nécessité d’attribuer en outre un nom à ces malheureux qui en étaient dépourvus (2).
La question sera définitivement réglé, avons-nous vu, en 1913. Ne revenons pas sur les difficultés d’ordre technique que les fonctionnaires royaux durent résoudre.
Le choix du prénom (ชื่อ tchu) obéit à des règles traditionnelles complexes que nous avons partiellement abordées dans un précédent article (3) même si actuellement (paraît-il ?) certains se croient obligés d’affubler leur marmaille de prénoms tels que แจก (Jack). Il semble que la plupart de ces prénoms soient strictement intraduisibles ?
Seuls les chrétiens attribuent à leur enfant un prénom compréhensible pour nous, les plaçant sous la protection de leur saint patron.
Nous avons ainsi assisté au baptême catholique d’une petite Bernadette. Les musulmans s’en tiennent aux prénoms coraniques, nous avons un ami mahométan qui répond au prénom de Kacem qui n’a rien de siamois.
Le nom de famille, c’est นามสกุล (namsakoun) que nous préférons traduire par « lignage » plutôt que par « famille ».
Le lignage, c’est la lignée mâle, bien sûr, la société n’est pas matriarcale ! Du jour au lendemain, les Siamois durent donc, non sans difficultés, aller déclarer leur namsakoun à l’amphoe en obéissant à de strictes consignes royales.
Il fallait éviter les doublons, une personne de la lignée X ne peut être confondue avec celle de la lignée Y.
Comment éviter ces doublons à l’époque où l’informatique était inconnue ? Mystère ? (4)
Actuellement, nous le constatons tous les jours, les thaïs n’utilisent jamais, sauf dans les démarches strictement administratives, le nom de famille mais systématiquement le prénom. Cela n’a rien à voir avec les usages occidentaux.
Sur les affiches électorales par exemple, le prénom du candidat est inscrit avant son nom de famille et en caractères deux ou trois fois plus gros.
La courtoisie fait qu’il peut être utilisé précédé du pronom personnel คุณ khoun que l’on peut à la rigueur considérer comme l’équivalent de « Monsieur » (Madame ou Mademoiselle).
Les termes de นาย naï (Monsieur) นาง nang (Madame) et นางสาว nangsao(Mademoiselle) ne sont jamais utilisés dans le langage courant mais uniquement sur les documents administratifs.
Nul ne parle de ชินวัตร (Chinawat nom de famille) mais systématiquement de ทักษิณ (Thaksin, prénom) tout comme sa sœur est ยิ่งลักษณ์ Yingluk ! Plus familièrement, c’est le surnom qui est utilisé (ชื่อเล่น tchulén, littéralement « prénom-jouer »).
Il est en général monosyllabique (mais pas toujours), nous connaissons ainsi les เล็ก lék (petit), น้อย noï (un petit peu) et autres นก nok (oiseau). L’aîné de la famille est volontiers baptisé หนึ่ง nung (un- 1) .
Le roi lui-même n’échappe pas à la règle, s’il est formellement ทรงพระเจริณ songphracharoen, littéralement « Sa Majesté », il devient volontiers de façon familière ในหลวง naïluang qui est strictement intraduisible.
Il est enfin un élément qui ne rapproche pas les usages thaïs des pratiques occidentales.
Le nom de famille n’est pas immuable comme il l’est en principe en droit français. La famille de Thaksin, toujours elle, munie à l’origine d’un nom que nous n’avons pu retrouver, s’est fait attribuer en 1938 celui de ชินวัตร Chinawat (« habitué à faire le bien »), tout un programme !
Il en est un exemple plus récent et plus sympathique : La charmante championne olympique จันทร์พิมพ์ กันทะเตียน ChanphimKanthatian, médaillée d’or aux jeux olympiques de Pékin en 2008 après l’avoir été d’argent précédemment avait en 2007 sur les conseils d’une diseuse de bonne aventure, changé ses prénom et nom en ประภาวดี เจริญรัตนธารากูล Praphawadi Charoenrattanatharakun.
Bien lui en prit ! On peut traduire son prénom par « celle qui est bonne » et son nom de famille par « heureuse pierre précieuse ».
Notes
(1) Voir « La famille royale de Siam » par Eugène Gibert, à Paris, 1886.
(2) Le problème s’était posé en France lors de l’abolition de l’esclavage dans les colonies en 1848 et définitivement dans tous les états aux Etats-Unis en 1865. En Guadeloupe en particulier, les officiers d’état civil manifestèrent leur rogne en attribuant volontiers aux esclaves libérés des noms « saugrenus ou dégradants ». Il suffit de consulter un annuaire téléphonique ce département pour s’en convaincre.
(3) Voir notre article A 34 « Le choix du prénom en Isan »
(4) A ce jour, expérience vécue non pour une personne physique mais pour une société « personne morale » : lors de la constitution de la société, l’administration demande à l’impétrant de proposer une liste de noms (raisons sociales) pour procéder en quelques secondes à une vérification informatique.