La Thaïlande connait-elle en ce moment une grave crise de transition, ou un simple épisode d’ajustement temporaire comparable à ceux qui ont déjà jalonné son histoire mouvementée ?

Les avis divergent sur cette question qui a été évoquée au cours d’un débat organisé par l’Alliance française de Bangkok sur le thème “Thaïlande, enjeux et perspectives, horizon ASEAN 2015″

Un débat animé par Arnaud Dubus, journaliste (RFI), avec Bruno Jetin, chercheur (IRASEC), Ukrist Pathmanand, professeur chercheur (Université Chulalongkorn), Stephff, caricaturiste (The Nation), Voranai Vanijaka, rédacteur en chef (GQ Magazine), suivi d’un dialogue avec la salle.

Une crise de transition

Pour Arnaud Dubus, journaliste à RFI et Libération

Il y a une crise de transition qui a commencé à partir de 2005 avec la fin du gouvernement Thaksin. Mais en réalité les ferments de la crise remontent au développement économique de la Thaïlande dans les années 80 et 90.

Pendant cette période la croissance économique a permis une transformation des classe rurales, avec une diversification des sources de revenus, une meilleure éducation et une prise de conscience politique.

Thaksin a provoqué cette prise de conscience, et a donné un poids politique aux gens des provinces qu’ils n’avaient pas auparavant.

La crise actuelle, qui entrave sérieusement l’action du gouvernement, a aussi des conséquences sur l’intégration de la Thaïlande dans l’Asean. Notamment sur la mise en place d’un espace économique unique (AEC) à l’horizon 2015. Traditionnellement un des pays locomotive de l’Asean (elle est la deuxième économie de la zone, après l’Indonésie), la Thaïlande se retrouve en position de faiblesse, du fait des incertitudes qui entourent son futur politique.

Des conséquences économiques importantes

Pour Bruno Jetin, chercheur (IRASEC)

La crise politique a maintenant clairement un impact sur l’économie : elle provoque une crise économique avec une baisse significative de la croissance.

Au début de l’année les prévisions de croissance pour 2014 de la Banque centrale de Thaïlande étaient autour de 5%, maintenant on prévoit 2,4% si un nouveau gouvernement stable est nommé avant la fin du premier semestre.

Si la crise de prolonge au delà du premier semestre, il y a un risque de se retrouver avec une croissance zéro.

Du fait de la crise, un grand nombre de décisions économiques et politiques importantes sont repoussées, alors qu’on est dans la phase finale de l’intégration économique de l’Asean.

Il y a aussi à plus long terme un ralentissement de la croissance qui commence à avoir des conséquences. De 1987 à 1996, la croissance était de 9,5% en moyenne par an, puis de 1999 à 2007 de 5%, et de 2008 à 2013 de 2,8%. C’est à peine suffisant pour un pays émergent.

La point de vue décalé d’un journaliste thaïlandais

Mais pour Voranai Vanijaka, rédacteur en chef de GQ Magazine et éditorialiste au Bangkok Post, la dramatisation n’est pas de mise.

Ceux qui pensent que la crise actuelle concerne la démocratie et la liberté confondent la Thaïlande avec un film d’Hollywood. C’est un conflit à propos du pouvoir et de l’argent comme d’habitude.

Ceux qui parlent de guerre civile ne sont pas sérieux : c’est juste un hoquet parmi d’autres (hicup), pas plus grave que les crises précédentes. Dans quelques mois il y aura un compromis comme d’habitude, et la Thaïlande sera de nouveau le meilleur endroit pour vivre et investir en Asie du Sud-Est.

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