Je garde toujours un calepin et un stylo à côté de mon réveil pour pouvoir prendre des notes pendant que celui qui appelle me raconte son histoire. Son nom était Mike Tyson (aucun rapport avec le fameux boxeur dit-il. ‘Je suis beaucoup plus vieux et beaucoup plus blanc’). C’était un homme d’affaires en retraite.
Il avait monté sa propre société d’articles de sports qu’il avait vendue pour un bon prix une fois atteint la soixantaine. J’ai eu l’impression qu’il avait pas mal d’argent. Il avait envoyé à sa copine thaïe l’argent pour son voyage en Grande Bretagne. Mike avait attendu à Heathrow pendant des heures et elle n’était jamais apparue. Il avait essayé de l’appeler sur son portable mais il était éteint. Mike était sûr que quelque chose lui était arrivé et il voulait que je vérifie les hôpitaux d’ici, que j’aille chez elle. En fait, que je fasse tout ce qui était possible pour trouver ce qui lui était arrivé.
C’était un boulot facile, donc je lui ai dit de m’envoyer 10 000 Bahts d’acompte par Western Union.
– Pas de problème c’est comme ça que j’envoie de l’argent à Metta.
– Est-ce que vous lui avez envoyé beaucoup d’argent. Les sirènes commençaient à hurler à mes oreilles.
– Juste quelques centaines de Livres par mois. Plus un peu d’argent quand son père était à l’hôpital. Ah et de l’argent pour son passeport et son visa. Et aussi pour son ticket d’avion.
J’ai demandé à Mike ce qu’il pouvait me donner comme information. Elle s’appelait Metta Khonkaen, dit-il. Je lui ai demandé d’épeler deux fois parce que Khonkaen est une ville du Nord-est et c’était très bizarre comme nom de famille. Ce serait comme s’appeler Roger Clermont-Ferrand ou Bernard Strasbourg. Pas impossible mais peu probable. Il avait sa date de naissance et j’ai râlé intérieurement quand j’ai réalisé qu’il avait presque trois fois son âge. Maintenant les sirènes hurlaient fort.
– Quand avez-vous rencontré Metta? J’aurai parié du fric qu’il avait rencontré la belle Metta dans un Go-go ou dans un salon de massage.
– En fait, je ne l’ai pas encore rencontrée. Pas physiquement. On s’est rencontré sur Internet.
Maintenant, j’étais totalement réveillé. Mike avait envoyé des centaines, voire des milliers de Livres à une fille qu’il n’avait pas encore rencontrée. Je commençais à regretter de ne pas avoir demandé un plus gros acompte, parce Mike ne semblait vraiment pas du genre à s’accrocher à son fric.
J’ai demandé à Mike de m’envoyer une photo de la belle Metta et de me faxer une copie de tout papier qu’il pouvait avoir d’elle. Puis j’ai raccroché et je me suis rendormi.
Le jour suivant, j’étais en chemin vers Starbuck pour un café au lait et un gâteau à la banane. Ensuite j’ai pris un mototaxi pour me rendre au bureau de Western Union. Mike avait tenu sa parole et j’ai récupéré mes 10 000 Bahts. Il avait aussi faxé une copie de son passeport ainsi que les papiers qu’elle avait pris avec elle pour aller à l’Ambassade de Grande Bretagne. Il m’avait aussi passé par Email des photos portraits d’elle. Metta était superbe, aucun doute là-dessus. La peau pâle, des joues hautes, de longs cheveux droits.
Je me suis mis au travail en téléphonant à une vingtaine d’hôpitaux à Bangkok. Aucun n’avait admis une Metta Khonkaen. J’ai vérifié mes Emails, il y avait un message de Mike. L’une de ces choses de la vie. Environ deux heures après m’avoir parlé au téléphone il avait reçu un Email d’une amie de Metta. Selon cette amie, Metta avait été arrêtée par les services de l’immigration alors qu’elle essayait de quitter le pays. Il y avait un problème avec son visa et elle n’avait pas assez d’argent pour couvrir son séjour en Grande Bretagne.
Elle était emprisonnée dans la célèbre prison qu’on appelle ici Bangkok Hilton et son amie disait qu’elle avait besoin de 50 000 Bahts pour la faire sortir. De plus il fallait encore 150 000 Bahts pour prouver que Metta avait suffisamment d’argent pour aller en Grande Bretagne. Au total deux cents mille Bahts. L’obligeante amie avait inclus son nom et les informations sur son compte en banque pour que Mike puisse envoyer l’argent sans attendre.
J’ai téléphoné à Mike, il était à bout. Il était trop tard pour qu’il puisse envoyer de l’argent mais il serait le lendemain à la première heure à la banque, sans faute, pour organiser le transfert télégraphique. Je lui ai demandé d’attendre que j’ai pu mener une petite enquête. Il y avait trop d’anomalies dans cette affaire pour que ce soit vrai. Je lui ai demandé plus d’informations sur sa cour sur Internet.
Il m’a dit qu’il l’avait tout d’abord rencontrée dans une ‘chat room’ et qu’ils avaient continué à se parler par Email tous les jours. Elle travaillait comme serveuse à Bangkok, mais après que Mike ait commencé à lui envoyer de l’argent elle était repartie vivre avec ses parents à Chiang Rai. Elle aidait sa famille à payer les cours de sa sœur qui devait passer un diplôme de comptable.
Elle disait que ça avait toujours été son rêve de vivre en Angleterre. Ils avaient échangé des photos et Metta avait dit à Mike qu’il était le bel homme qu’elle n’ait jamais rencontré. Comme un acteur de cinéma disait-elle. De plus elle aimait beaucoup les photos de sa grande maison au centre de Londres. Son bateau de onze mètres. Sa collection de voiture de sport. Les Emails de Metta devenaient de plus en plus affectueux. Elle avait suggéré de prendre l’avion pour aller le rencontrer à Londres. Peut-être qu’après ils s’entendraient si bien tous les deux, qu’il souhaiterait qu’elle reste avec lui. Et peut-être même qu’un jour il souhaiterait l’épouser.
Avant que Mike ait fini de me raconteur son histoire, il était en larmes. Je lui ai recommandé de ne rien faire avant que j’ai repris contact avec lui.
J’ai pris une bouteille de Johnnie Walker Black Label et je me suis rendu au bureau de l’immigration sur Soi Suan Phlu. Le chef du bureau était un copain de longue date. Je suis monté au troisième étage, je lui ai donné le whisky et nous avons parlé de golf pendant une demi-heure avant que j’en arrive au but de ma visite. Je lui ai montré le fax avec la copie du passeport de Metta et il a secoué la tête avec emphase. ‘Faux, faux, faux’, a-t-il murmuré.
Il indiquait la photo sur le passeport. Metta souriait avec joie. Le chef m’a expliqué qu’il était interdit de sourire sur les photos de passeport.
Les photos étaient prises au bureau des passeports et le photographe devait s’assurer que la personne en face de lui ne souriait pas. De plus les lignes ondulées qui doivent parcourir la photo n’y étaient pas et le nom de famille était écrit avec des caractères légèrement différents de ceux utilisés pour le reste du passeport. Le chef pensait que la photo avait été collée sur un passeport existant, le nom tapé sur un bout de papier et collé sur le document. Donc le passeport était un faux.
Je lui ai demandé ce qui se passerait si la fille essayait de quitter le pays avec ce passeport trafiqué. Serait-elle arrêtée.
Le chef m’assura que la fille serait simplement rejetée aux services de l’immigration à l’aéroport. Si elle avait été connue pour d’autres méfaits elle aurait probablement été maintenue en garde par la police des frontières, mais il n’y avait aucune chance qu’elle soit conduite au Bangkok Hilton. Pour que je sois tout à fait rassuré, il tapa le nom sur le clavier de son ordinateur. Il n’y avait aucune information sur un problème avec une Metta Khonkaen.
Ma destination suivante fut le bureau municipal de Pathumwan. J’y suis un visiteur régulier et chaque fois que j’y allais je prenais soin d’amener une sélection d’en-cas thaïs avec moi. La dame en charge me vit arriver et se dirigea vers moi pour m’aider avec mon chargement et aussi pour savoir ce que je venais chercher. Je lui ai parlé du nom de famille de Metta. Elle a secoué la tête vigoureusement. Khonkaen n’était pas un nom de famille qu’elle avait déjà rencontré dans sa vie et après quelques minutes sur son ordinateur elle me confirma qu’il n’y avait pas la moindre famille Khonkaen où que ce soit dans le pays.
J’ai attendu jusque tard dans la soirée avant d’appeler le malheureux Mike pour lui raconter ce que j’avais découvert. Je lui ai parlé de mes soupçons sur le fait que Metta Khonkaen, – ou quel que soit sont vrai nom – était en train de l’arnaquer…
Warren Olson et Stephen Leather
Durant les mois d’été, Thailande-fr.com publie les aventures d’un Privé à Bangkok, extraites des “Mémoires d’un détective privé à Bangkok” de Warren Olson et Stephen Leather.
Pendant plus de dix ans Warren Olson a parcouru les rues de la Bangkok. Parlant parfaitement le Thaï et le Khmer, il était capable d’aller là où les autres détectives n’osaient pas trainer. La plupart des histoires des “Mémoires d’un détective privé à Bangkok” sont donc des histoires vraies, basées sur les dossiers de Warren Olson. Pour protéger les innocents et les coupables, elles ont été arrangées par l’auteur de best-sellers Stephen Leather.
Les mémoires d’un détective privé à Bangkok est édité en Thaïlande par Bamboo Sinfonia (Format : 19 x 13 cm , 306 pages) et est en vente sur Livres de Thailande