En apparence rien n’a changé en Thaïlande : des élections démocratiques ont eu lieu l’année dernière et mis en place un nouveau gouvernement qui a consacré la victoire du PPP, c’est à dire des partisans de Thaksin. Mais dans les coulisses, la bataille fait rage avec comme enjeu, une très contestée réécriture de la Constitution écrite par les militaires après le coup d’Etat de septembre 2006.

Car même s’ils ont retrouvé le pouvoir, les partisans de Thaksin n’ont pas vraiment digéré l’exclusion de 111 anciens membres du TRT (Thai Rak Thai, ex parti de Thaksin qui était au pouvoir avant le coup d’Etat), aujourd’hui interdits de toute activité politique pour cinq ans.

L’actuel gouvernement prévoit donc de supprimer dans la Constitution les deux articles qui ont servi de base légale à ces condamnations, pour pouvoir procéder à de nouvelles élections, avec la participation des excommuniés du TRT (qui se présenterait sous la bannière du PPP bien entendu). Le procédé n’est pas d’une très grande finesse, mais semble juridiquement faisable. En revanche, il est peu probable que les milieux (proches de l’armée) qui ont été à l’origine du coup d’Etat acceptent sans broncher une telle humiliation, puisque cela reviendrait à réinstaller dans leurs privilèges tous les anciens cadres (ou complices, selon son point de vue) de l’ex administration Thaksin.

La précipitation du (PPP) visant à soulager la constitution de deux articles qui ont pour seul objet de condamner l’achat des voix et la corruption des hommes politiques, a évidemment un coté suspect. Selon certains observateurs, elle risque de déclencher une crise politique qui pourrait conduire à un autre coup d’Etat militaire.

Thirayuth Boonmi, l’ancien leader étudiant des soulèvements étudiants du 14 oct 1973 estime que « Si le gouvernement insiste pour modifier la Constitution afin de s’exonérer de ses fautes, et de protéger ses membres contre des accusations de corruption, ce sera le début d’une deuxième crise »

En parlant de la première crise, il se référait aux manifestations contre le Premier ministre Thaksin Shinawatra, au printemps 2006 et qui ont débouché sur le coup d’Etat militaire de septembre 2006. Le professeur de l’université de Thammasat a déclaré que la campagne pour une nouvelle constitution, risque de provoquer une nouvelle fracture entre ceux qui la soutiennent et ceux qui s’opposent à l’amendement de la Constitution.

L’annonce de la modification de la Constitution a par un malheureux concours de circonstance commencé juste après que la Commission électorale (CE), ait déclaré Yongyuth Tiyapairat (alors leader adjoint PPP) coupable d’achat de vote pendant les élections générales de décembre dernier. Entre temps, celui ci a préféré donner sa démission, mais si la cour suprême va dans le même sens que la CE, le PPP pourrait être dissout en vertu de l’article 237 de l’actuelle constitution (promulguée par le régime militaire de sept. 2006) au motif que le PPP a participé en tant que complice à la fraude électorale.

Un autre objectif du PPP est la suppression de l’article 309, qui soutient les actions de la Commission de contrôle des actifs dans les enquêtes sur les accusations de corruption contre M. Thaksin et de certains de ses ministres. Bien entendu le PPP a fermement démenti que ces questions soient à l’origine de sa volonté de promulguer une nouvelle constitution, mais en tentant de s’opposer aux procédures en cours contre Thaksin, l’actuel gouvernement risque de heurter de front la coalition de milieux conservateurs qui a soutenu le coup d’Etat de septembre 2006.

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