En Thaïlande, la fête de Songkran (สงกรานต์) marque le nouvel an bouddhique basé sur le calendrier lunaire. Originellement mobiles, les réjouissances attachées à cette fête sont désormais fixes et ont lieu tous les ans du 13 au 15 avril, mais suivant les villes, les dates peuvent varier. Cependant, la date exacte du nouvel an est toujours tributaire du cycle lunaire.
C’est le Nouvel An thaï, correspondant au début du nouveau cycle astrologique: le Soleil passe du Bélier en Taureau. Beaucoup d’établissements sont fermés (par sécurité, à cause de… débordements possibles). Tradition millénaire, Songkran (du sanskrit « sankranti « , i.e. révolution, celle de la terre autour du soleil), est sans doute la fête préférée des Thaïs, et beaucoup en profitent pour retourner dans leurs familles afin de célébrer l’évènement, payer leurs respects aux anciens et… arroser copieusement tout ce qui bouge.
Les festivités (hostilités?) peuvent durer une semaine. Ce qui n’était au départ qu’une cérémonie pleine de respect est devenu un défoulement débridé et propre, paraît il, à faire fuir les mauvais esprits (dont je suis !)…
Dans les campagnes, et chez les citadins qui observent les coutumes, la première journée est en principe celle du grand ménage de printemps, on nettoie la maison, puis tout le monde prend un bain « d’eau lustrale » et met des vêtements neufs. Les fidèles vont dans les temples pour écouter des discours sur le Dharma (la Loi Universelle).
(Photo nogoodreason)
Le deuxième jour, on prépare un repas en offrande aux moines et à la parenté. Dans la cour des temples, de petites pagodes de sable sont élevées et décorées de fleurs et de drapeaux (elles peuvent symboliser la maison d’une vie future).
Le matin du troisième jour, on ouvre la cage aux oiseaux, on remet les poissons à la rivière et on asperge d’eau bénite et parfumée les images du Bouddha ainsi que la tête et les paumes des membres de la famille. L’idée sous-jacente est de laver les péchés de l’année… écoulée, et de se purifier.
L’hommage aux aînés est une part importante du rituel. Cela s’accompagne de cadeaux, en général des étoffes offertes par les plus jeunes à leurs aînés, et ceux-ci les bénissent en échange. Des statues du Bouddha sont convoyées en procession sur des véhicules et aspergées par la foule. En milieu de matinée, toutes les villes et les villages sont le théâtre de batailles rangées à coups de seaux et de fusils à eaux.
Liesse populaire
Dans tout le royaume, le long des routes et des rues, on peut voir des enfants en embuscade, prêts à arroser les passants (la plupart eux mêmes belligérants) qui osent s’aventurer à découvert. Souvent, des adolescents à mobylette forcent les barrages. Des camionnettes à plateau patrouillent, chargées de combattants, armés d’une joie féroce, puisant leurs munitions dans des barils géants pour les déverser sur la piétaille.
Ce n’est pas du goût de tout le monde, et certains se rebiffent. Des bus sont inondés et parfois même de paisibles motards perdent le contrôle de leur monture en recevant le contenu d’un seau d’eau glacée. Certains « guérilleros » poussent le vice jusqu’à mélanger l’eau avec du talc ou de la farine, parfois même de différentes couleurs pour égayer le tout. Dans certaines provinces, cela peut durer jusqu’à deux semaines.
Chaque année maintenant, les grands axes qui permettent de quitter Bangkok sont embouteillés par toutes sortes de véhicules, car on estime entre trois cents et quatre cents mille le nombre de gens qui fuient la capitale pour rejoindre leurs familles et profiter des congés. Tous les moyens de transport (bus, trains, avions) sont réservés des mois à l’avance.
Ceux qui restent à Bangkok peuvent jouir d’un calme relatif et inhabituel. Les rues sont pratiquement désertes, et les déplacements beaucoup plus aisés. Mais, la tradition y est également respectée: beaucoup de gens se rendent au Sanam Luang (esplanade royale) et au temple ‘Wat Pho’ afin d’obtenir des mérites en offrant des victuailles aux moines et en « baignant » la statue du Bouddha.
Les grands hôtels proposent des « Festivals Songkran ». Pour ceux que cela intéresse, l’Office du Tourisme Thaïlandais (TAT) organise une journée « vannes ouvertes » sur la fameuse Khao San Road (bien connue des touristes et des routards). Si rien de tout cela ne vous inspire, louez quelques cassettes vidéo/DVD et ne sortez pas de chez vous pendant quelques jours. Mais vous risquez quand même de vous faire tremper juste au moment où vous pensiez qu’il n’y avait plus de danger. Vous êtes supposés riposter par un large sourire…
Raymond Vergé
www.daoholidays.com
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