Finalement le pire n’a pas eu lieu : en dehors de quelques incidents sporadiques, la journée des élections n’a pas donné lieu au déchaînement de violences que certains redoutaient.
Sur fonds de kermesse et de pique-nique dans les rues de Bangkok, les manifestants anti-gouvernement ont pacifiquement envahi les rues aux alentours de certains bureaux de vote à Bangkok, le 2 février jour des élections législatives.
Récit d’un jour d’élection un peu particulier.
Bien que le temps soit aux chants et à la danse dans le quartier de Phaya Thai, comme dans d’autres quartiers de la ville en ce début d’après-midi, la tension est palpable.
Ce qui frappe tout d’abord ce sont tous ces journalistes qui portent gilets pare balles et casques de protection, à croire que la presse se trouve sur le front syrien. Un cameraman américain lourdement protégé lance des avertissements à tout va aux touristes curieux qui s’arrêtent pour observer ou prendre des photos :
‘Il ne faut pas rester ici, c’est dangereux, ça peut péter à tout instant’.
Pourtant aux même moment les chants redoublent d’intensité. Et puis aux abords des points de blocage, ce sont ces hommes en treillis et généralement masqués qui attire le regard. A première vue, ils font penser à des mercenaires, avec leur équipement et leurs armes à portée de main, partiellement cachées sous leur veste.
Ces hommes sont en fait des groupes de gardes de sécurité embauchés par le PDRC pour veiller au bon déroulement des protestations et à la sécurité des manifestants. En alerte ces derniers, debout sur des pick-up pour certains, observent à la jumelle les alentours et procèdent à des fouilles à l’entrée des blocus.
Un sentiment d’insécurité partagé
Au lendemain de la bataille de rue qui s’est déroulée à Lak Si dans le nord de Bangkok, un certain sentiment d’incertitude semble flotter dans l’air quand à de possible débordements. Une détonation au loin, fait soudain trembler la foule réunie dans la rue, chacun regarde son voisin comme pour se rassurer, certains commencent déjà à partir dans les ruelles adjacentes.
Il faut qu’un homme rassure tout le monde en assurant que ces détonations n’ont rien à voir avec les attaques de la veille pour que le calme revienne. Cet incident a duré moins d’une minute mais est révélateur du sentiment partagé d’insécurité qui occupe les esprits.
Le risque de dérapage omniprésent
Quelques rues plus loin, un motard force les barrages de sécurité et se fraie un chemin entre les passant à pleine vitesse. Réagissant au quart de tour, les gardes poursuivent l’homme et l’interceptent déjà. L’homme qui s’est pris un coup derrière la tête est sonné et solidement encadré par les gardes qui le fouillent sans trouver d’armes sur lui.
Le prenant pour un militant « extrémiste » pro-gouvernement (au dire des gardes), la colère monte dans la foule qui déjà se regroupe autour de lui. Les agents de sécurité sont obligés de repousser les manifestants et raccompagnent le motard, sur qui les coups pleuvent, au bout de la rue.
Les incidents sont rapidement oubliés pour laisser de nouveau la place à des chants et des slogans scandés en cœur.
Vers 16H00, les manifestants se rassemblent pour former un cortège de piétons et de véhicules qui se dirige lentement sur Phitsanulok Road en direction de Government House un point de blocus permanent aux abords des bâtiments gouvernementaux.
Un camp fortifié dans Bangkok
Pour rejoindre la zone il faut déjà passer deux barrages de sécurité. L’entrée fait penser à celle d’un camp militaire : sacs de sable et barricades tout autour de la zone, barbelés, gardes. Au point de contrôle les sacs et certains véhicules sont fouillés. Si à l’intérieur du camp on retrouve la même ambiance qu’a MBK ou Asoke, à l’entrée on ressens bien que la sécurité est renforcée dans les alentours.
Sur place la vie s’organise pour ceux qui sont là depuis le début de la crise en novembre 2013: mise en place de campements, distribution gratuite de nourriture et d’eau, vente de produit de première nécessité, installation de sanitaires.
Si les habitants de Bangkok rentrent chez eux le soir venu, ils sont nombreux ici à venir des provinces du sud et du nord de la Thaïlande et à rester plusieurs jours, voire plusieurs semaines dans la capitale pour soutenir le mouvement de Shutep Thaugsuban.
La nuit tombe soudain sur Government House où débute un concert de rock. Pendant une partie de la nuit, l’ambiance sera encore à la fête tout en étant aux protestations.