Ce livre est l’histoire vraie d’une jeune Thaïlandaise, racontée à la première personne, qui quitte sa famille à 13 ans pour aller travailler à Bangkok. Même si la tragique histoire de Lon remonte à une période où la Thaïlande n’avait pas encore pris de sérieuses mesures pour lutter contre la prostitution des mineures, ce récit poignant est un témoignage capital sur les conditions de vie et de travail dans le commerce du sexe à Bangkok et Pattaya.

C’est aussi l’histoire d’une fugueuse, d’une petite fille née dans la partie la plus pauvre de ce pays, où les filles n’ont pas suffisamment de valeur pour aller à l’école mais auxquelles ont demande malgré tout de devenir les premières sources de revenu de leurs familles. Si vous souhaitez connaître la Thailande, un peu « au delà du sourire », ce document vous sera très utile.

En exclusivité, Thailande-fr vous propose de découvrir un extrait du premier chapitre de « A 13 ans la vie commence ».

A 13 ans la vie commence

Á treize ans mon expérience se bornait aux travaux de la maison et de la ferme. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire à Bangkok et j’étais effrayée, très effrayée. Bien que ne sachant pas ce que la vie me réservait j’avais déjà décidé que ce ne serait pas encore de la pauvreté.

Bien que je sois jeune je n’allais pas laisser l’ignorance et les préjugés de ma mère ralentir mes projets. Je savais au plus profond de moi que j’avais un potentiel à exprimer. Je savais que je pouvais prétendre à une vie meilleure que celle qui m’était destinée en restant dans ce village de pauvres paysans. Sa vision était orientée seulement sur la possibilité de donner à mon frère toutes les chances de réussite, tout en nous demandant à mes sœurs et à moi de rester à la maison, de s’occuper des animaux et de travailler le petit lopin de terre que nous avions. Le travail fatiguant et la contrainte physique et émotionnelle constituaient une impulsion plus que suffisante pour que je quitte la maison une dernière fois. Je n’allais pas rester une petite fille défavorisée et maltraitée toute ma vie à Ubon. Je n’étais pas née pour vivre à la ferme, pas plus que pour être battue et opprimée.
J’ai acheté le billet le moins cher possible à 95 Bahts (4 US$), sur un bus à ventilation, pour le trajet de dix heures. Il m’en aurait coûté l’équivalent de trois jours de travail à Bangkok d’acheter une place sur un bus à air conditionné. De toute façon, je n’avais senti l’air conditionné qu’en de rares occasions, dans quelques magasins où je ne pouvais rien acheter. J’avais très peu d’argent sur moi, et je considérais chaque Baht comme de l’or pur. Ma mère m’avait donnée 300 Bahts (12 US$) en me disant de ne jamais revenir.
Comme tout le monde m’accusait de la mort de mon père, je n’avais aucune envie de revenir. – au moins pas pour retrouver le terrible environnement qui m’avait fait partir plusieurs fois déjà. A mes yeux, cette maigre somme me revenait – j’aurai même dû en avoir beaucoup plus. J’avais commencé à travailler avant d’aller à l’école. Je ne peux pas me rappeler, rester sans travailler. J’avais décidé, je ne voulais rester toute ma vie à Ubon… Personne n’a un futur intéressant à Ubon. Le plus important, je n’avais pas de futur à Ubon.

Je suis arrivée à Bangkok le soir. Il ne me restait plus que 205 Bahts (8 US$) entre moi et la faim. Je ne pouvais pas dépenser le peu d’argent que j’avais pour prendre une chambre, (quelle qu’en soit la qualité). Cette première nuit, je l’ai passée dans la gare routière, avec pour seuls amis les moustiques qui volaient alentour. J’ai mangé des restes – des poubelles et bu l’eau qui restait dans les bouteilles. Je n’avais aucun endroit où aller et je ne connaissais personne. J’étais une toute petite fille, seule et perdue, dans la très grande cité de Bangkok, cosmopolite et bruyante – une ville qui je l’apprendrais bientôt était la première capitale du sexe dans le monde. Cette ville allait aussi devenir bientôt ma maison.

Jusqu’à mon arrivée à Bangkok, je n’étais jamais montée dans un ascenseur ni pris un escalator. Les grands magasins et les immeubles de bureaux étaient les seules grandes constructions que j’avais connues. Les rues étaient très embouteillées par des milliers de voitures, des pickups, des bus rouges ventilés bringuebalants et des bus bleus à air conditionné rutilants, tous entassés pare-chocs contre pare-chocs créant la confusion de partout.

Des fumées grises et noires qui polluaient l’air pendant que le vacarme assourdissant de milliers de klaxons donnait mal aux oreilles. Des douzaines de motocyclistes en tête du trafic à chaque carrefour, alors que la multitude des piétons avançait avec courage un pied devant l’autre en évitant rapidement le trafic, qui avançait et celui qui était stoppé, pour arriver à traverser la rue. Ni les voitures ni les piétons ne prêtent attention aux feux de circulation. On dirait que les Thaïs avancent avec des œillères sans se soucier de la sécurité.

Je n’avais jamais vu autant de monde en un seul endroit, pas plus que je n’avais vu des gens de culture aussi différentes. Il y avait des femmes africaines habillées en boubous décorés de fleurs colorées, avec les coiffures assorties, des femmes indiennes de l’est avec le sari de leurs origines, les pantalons serrés aux chevilles et le ventre dénudé, les Indiens sikhs dans leurs turbans blancs traditionnels, les hommes arabes dans leur djellaba boutonnée jusqu’en bas et des touristes américains et européens dans leur vêtements décontractés : short en jean et débardeur. Et puis il y avait moi dans ma chemise et mon pantalon large de provinciale, l’air de débarquer de ma campagne du fin fond de la Thaïlande – ce qui était le cas.

Je n’avais jamais vu non plus autant de gens marcher aussi vite dans les rues commerçantes encombrées, pas plus que je n’avais jamais entendu autant de langues différentes. Rien de la vie calme, mais travailleuse, de la ferme dans un village thaï ne m’avait préparé à cette nouvelle vie pleine d’inconnus qui se trouvait devant moi maintenant. J’avais vu Bangkok à la télévision, mais c’était différent de la télévision à Ubon et j’avais vu la banlieue de Bangkok avec mes parents. Mais là, c’était la vraie vie j’étais beaucoup trop jeune pour me rendre compte que je me tenais au seuil de ma nouvelle vie, au beau milieu de cette ville exotique où régnait l’agitation et le remue – ménage. Mon anxiété et mes sentiments à ce moment précis ne peuvent être bien compris que par quelqu’un qui comme moi est originaire, d’un pauvre village arriéré dans un pays du Tiers-Monde, et qui vient juste d’entrer pour la première fois au cœur d’une métropole. J’étais anxieuse, excitée, fatiguée, et affamée tout en même temps. Mais par-dessus tout j’avais peur.
Comme je n’avais ni argent, ni amis, ni famille et nulle part où aller, j’ai commencé à mendier. J’étais une enfant de 13 ans qui mendiait dans la rue, et j’ai vite appris qu’il y avait beaucoup plus d’argent à gagner auprès des touristes qu’à aller travailler.

Ce livre est la traduction en français d’une édition anglaise rédigée avec l’aide de Julia Manzanares et Derek Kent. Julia Manzanares est pédagogue et professeur en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient. Elle a obtenu une maîtrise en psychologie de l’Université d’Etat de Californie, Los Angeles, et détient un diplôme de Neuro-Linguistique.
Derek Kent, également professeur de langues en Thaïlande pendant 15 ans, est maintenant engagé dans un centre d’assistance pour les jeunes filles défavorisées en Thaïlande.

« A 13 ans la vie commence  » est publié en français par les éditions Bamboosinfonia et en vente sur www.boutiquethailande.net