L’année 2013 confirme l’entrée des grands groupes thaïlandais sur la scène financière internationale avec le rachat pour 7,4 milliards de dollars des parts de HSBC dans Ping An Insurance (Hong Kong) par Charoen Pokphand Group, le conglomérat agro-alimentaire du milliardaire Dhanin Chearavanont. Une acquisition qui fait suite à la prise de contrôle au mois de janvier du groupe singapourien Fraser and Neave par l’entreprise Thaibev de Charoen Sirivadhanabhakdi.
La hausse sensible des flux d’IDE thaïlandais à l’étranger au cours de ces dernières années souligne le renforcement du processus d’internationalisation des entreprises thaïlandaises. Dotées pour la plupart d’une bonne santé financière et bénéficiant d’un environnement règlementaire de plus en plus favorable, elles ne cessent de multiplier les projets d’investissement en Asie du Sud-Est, destination phare des IDE thaïlandais, mais également en Chine et en Occident.
Sécurisation de la chaîne de production, des approvisionnements en matières premières et ressources naturelles, recherche de croissance et de nouveaux marchés, stratégie de diversification ou encore accès aux compétences et technologies, les motivations des groupes thaïlandais à s’internationaliser sont multiples.
Mais, toutes découlent d’un objectif commun, celui de gagner en compétitivité dans l’optique de s’imposer comme des acteurs incontournables de la globalisation économique, notamment dans la perspective de l’Asean Economic Community fin 2015.
Des investissements étrangers multipliés par 16 en 10 ans
Avec un stock d’IDE sortant multiplié par 16 entre 2000 et 2011, la Thaïlande s’est imposée, en quelques années, comme l’un des principaux investisseurs étranger des pays de l’ASEAN. Quasiment absente en 2000 avec un stock d’IDE sortant de l’ordre de 2.2 Mds USD, le Royaume se positionne aujourd’hui à la 3ème place derrière Singapour et la Malaisie, avec un stock d’IDE sortant de l’ordre de 33.2 Mds USD en 2011(¹).
Le premier investissement thaïlandais à l’étranger remonte aux années 1950. La Bangkok Bank, qui est désormais présente dans plus d’une dizaine de pays (Chine, Malaisie, Indonésie, Japon, Taiwan, Singapour, Vietnam, Birmanie, Philippines, Laos, USA et Royaume-Uni), s’est en effet implantée à Hong Kong en 1954.
Thai Beverage a racheté 90% au capital de la puissante société singapourienne Fraser&Neave pour 11 milliards de dollarsToutefois, ce phénomène est resté marginal dans les trois décennies qui ont suivi en raison d’un cadre règlementaire contraignant et du très faible nombre d’entreprises ayant la capacité de s’internationaliser.
Ce n’est véritablement qu’à partir des années 1980 que les investissements directs thaïlandais à l’étranger ont commencé à se développer. Ils ont connu la progression la plus forte au sein de l’ASEAN sur la période 2000-2011.
Quatre sociétés thaïlandaises – Charoen Pokphand Group, Indorama Venture, PTT et Thai Union Frozen – figurent dans la liste 2013 du Boston Consulting Group relative aux 100 premières multinationales de pays émergents.
D’autre part, 16 d’entre elles figurent au classement Forbes 2013 des 2000 plus grandes entreprises mondiales : PTT, Siam Commercial Bank, Kasikornbank, PTT Global Chemical, Siam Cement, Bangkok Bank, Krung Thai Bank, Charoen Pokphand Food, Advanced Info Service, Thai Beverage, Bank of Ayudhya, CP All, Thai Oil, In Touch, Total Access Communication et Tanachart Capital. Classées selon une pondération égale des ventes, des bénéfices, des actifs et de la valeur marché, les firmes thaïlandaises comptent parmi celles ayant connu la plus forte croissance.
Si la Thaïlande, 28ème investisseur mondial, se situe encore à un rang inférieur à la Corée du Sud, à Singapour et à la Malaisie (24ème), ses investissements à l’étranger sont de plus en plus nombreux et jouissent d’un fort potentiel de développement.
La recherche de nouvelles parts de marché en préparation de l’échéance de 2015
La recherche de nouveaux marchés est devenue une nécessité en raison de l’environnement de plus en plus concurrentiel dans lequel les firmes thaïlandaises évoluent. Afin d’atteindre leur objectif, nombreuses sont celles qui se tournent vers une stratégie d’acquisitions de marques impliquant des investissements emblématiques.
C’est le cas de Central Group qui, désireux de pénétrer le marché du luxe en Europe, a fait l’acquisition, de l’enseigne italienne la Rinascente, pour 335M USD en juin 2011, et du grand magasin danois, Illum, en 2013. Son ambitieux programme d’investissement de 50Mds USD, pour les 5 ans à venir, témoigne également de sa volonté de renforcer davantage encore sa position en Asie avec l’ambition de devenir le second développeur de centres commerciaux de luxe de la région.
Les récentes opérations réalisées par Thai Union Frozen, rachat de Petit Navire en France, John West en Grande-Bretagne et Chicken of the Sea aux Etats-Unis, lui ont permis de devenir le plus grand producteur de thon au niveau mondial. Le groupe Minor, qui a fait l’acquisition de l’enseigne alimentaire Riverside en Chine en 2012, poursuit également une stratégie de rachat de marque.
Thai Beverage a quant à lui opéré un investissement de 11 Mds USD en 2012 pour une prise de participation de plus de 90% au capital de la puissante société singapourienne Fraser&Neave. Loin de se contenter de cette opération conséquente, le groupe continue de porter un vif intérêt à un groupe français dont il est candidat à la reprise. Double A a, pour sa part, racheté, en janvier 2013, une usine papetière française qui lui permettra d’accroître ses capacités de production et d’accéder à de nouveaux marchés en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.
Vers un assouplissement du cadre règlementaire
Les investissements des entreprises thaïlandaises à l’étranger devraient très prochainement bénéficier d’un assouplissement règlementaire ainsi que d’un soutien institutionnel et financier accru. C’est ainsi que la Banque de Thaïlande devrait permettre aux sociétés cotées d’investir librement et de façon illimitée à l’étranger. Concernant les investissements de portefeuille à l’étranger, elle a pour projet d’autoriser les investisseurs institutionnels, y compris les sociétés cotées, d’investir comme ils le souhaitent dans des actifs étrangers.
Actuellement, seules les sociétés cotées dont l’actif est d’au moins 160 millions de dollars sont autorisés à investir à l’étranger. Les investissements de portefeuille sont limités à 50 millions de dollars pour les entreprises et 20 millions de dollars pour les particuliers.