C’était il y un an, en avril 2008 :  54 travailleurs clandestins birmans étaient retrouvés morts asphyxiés, entassés à l’arrière d’un camion transportant habituellement du poisson. Après un moment d’émotion médiatique intense, le sujet était rapidement retombé dans l’oubli.

Pourtant la situation des immigrés birmans en Thaïlande reste toujours aussi précaire : chaque jour,  plusieurs centaines d’entre eux tentent de traverser la frontière clandestinement. Pour échapper aux persécutions de la junte militaire au pouvoir en Birmanie depuis 1962, mais surtout pour trouver un moyen de subsistance dans le royaume.

En Birmanie le PIB par habitant est de 1200 dollars par an, contre 8700 en Thailande : un niveau de vie plus de sept fois plus élevé, un fossé comparable à celui qui sépare le Maroc de la France. Vu de Birmanie, la Thailande est un pays riche…

Plus d’un million d’immigrés birmans travailleraient clandestinement en Thaïlande

D’après les agences de l’ONU les immigrés birmans sont plus d’1,4 million à gagner leur vie en Thaïlande, mais seulement 490000 d’entre eux sont enregistrés avec un permis de travail. La plupart travaillent donc clandestinement dans l’agriculture, l’industrie du poisson, le bâtiment, les usines de textiles et les emplois domestiques.

Ils occupent surtout les emplois généralement délaissées par les Thaïlandais et qualifiés de «3D» : « dangerous » (dangereux), « dirty » (sale) et « difficult » (difficile). Les « petites mains » birmanes sont aujourd’hui devenues indispensables à l’économie du royaume : d’après un rapport de l’Institut de recherche thaïlandais pour le développement, les migrants –parmi lesquels 80% de Birmans- ont permis d’augmenter le PIB thaïlandais d’1,25% en 2007.

Mais depuis le début de l’année, la crise financière mondiale a provoqué une chute brutale des exportations thaïlandaises, et de nombreuses usines dont la main d’œuvre est essentiellement birmane, ont été contraintes de mettre la clé sous la porte, ou de diminuer leur production. Les travailleurs immigrés,  sont les premiers visés par les réductions d’effectifs.

En parallèle, plusieurs ONG notent un renforcement des contrôles de police et des expulsions, principalement dans la banlieue de Bangkok et près de la frontière, à Mae Sot. Objectif avoué des autorités : protéger les travailleurs nationaux, alors que la crise pourrait provoquer la suppression d’un million d’emplois en 2009. Le gouvernement Abhisit a même annoncé qu’aucun permis de travail ne serait accordé aux migrants jusqu’en 2010.

Pourtant, insiste Manolo Abella, chef du Programme des migrations internationales de l’OIT, les travailleurs birmans ne menacent pas directement les emplois nationaux. « Les migrants ne visent pas les mêmes tâches et se cantonnent surtout à l’économie informelle », nuance-t-il.

Obtenir un permis de travail  représente de toute façon souvent un investissement bien trop important pour ces clandestins, déjà rançonnés par les passeurs : près d’un mois de salaire. En conséquence, une minorité de ces travailleurs sont enregistrés et bénéficient d’une couverture sociale. Souvent dénigrés par la population thaïlandaise et ne maîtrisant pas la langue thaïe, ils restent vulnérables aux rackets de la police et à l’exploitation de leurs employeurs. A Mae Sot, un Birman salarié du textile touche environ 70 bahts par jour (moins de 2 euros), soit moins de la moitié du salaire minimum thaïlandais.

Marie Normand

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