L’union monétaire européenne se dirige vers l’abîme, involontairement certes, mais semble-t-il inexorablement. La Grèce ne répondra probablement pas aux conditions fixées pour bénéficier d’une aide financière supplémentaire de la part de ses partenaires de la zone euro et du FMI.
L’Europe devra alors décider si elle essaye encore de l’aider ou si elle se résout à la voir quitter la zone euro. Dans ce dernier cas, le prix à payer sera élevé pour les pays membres et les chances de la Grèce de parvenir aux réformes voulus ne seront pas meilleures.
On peut espérer qu’une sortie de la Grèce serait correctement gérée
La BCE (Banque centrale européenne) limiterait les dommages collatéraux en inondant le système bancaire européen de liquidités (appuyées sur des garanties insuffisantes). Ou alors elle relancera à contre-cœur ses achats de dette du secteur public sur les marchés secondaires, ce qui limitera les écarts de taux d’intérêt des autres pays de la périphérie de la zone euro par rapport à ceux du centre.
Tout pour sauver l’euro ?
Autrement dit, les circonstances forceront une fois de plus la main de la BCE. Institution européenne la plus résistante, elle est en première ligne pour être prise en otage et contrainte d’intervenir pour sauver l’euro. Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que Mario Draghi, le président de la BCE, ait déclaré récemment qu’il fera « tout ce qu’il faudra » pour sauver l’euro.
Un conseiller du général de Gaulle, Jacques Rueff, avait sans doute eu raison d’affirmer en 1999 que « l’Europe se fera par la monnaie ». Onze pays européens choisirent d’abandonner leur devise nationale (ou plus techniquement, son taux d’échange nominal).
Des déficits intenables
Ce n’est qu’après le choc de 2009 que l’on a fini par admettre que l’aggravation des déficits des comptes courants au sein de l’union durant une décennie était intenable. Maintenant, dans le cadre de l’union monétaire, l’ajustement doit se faire en adaptant les prix intérieurs aux biens destinés à l’exportation – autrement dit en créant une dépréciation du taux de change réel.
En raison de la surévaluation substantielle dans certains pays de la périphérie, cela prendra du temps (il a fallu presque 10 ans à l’Allemagne pour s’adapter à une bulle immobilière moins conséquente dans ses nouveaux Lander de l’Est au début des années 1990). Mais les marchés n’auront sans doute pas la patience voulue. C’est pourquoi la défense de l’euro nécessite un endiguement puissant et crédible – quel qu’en soit le coût.
Une telle hétérogénéité dans le financement rend difficile une politique monétaire commune.
Mais le plus gros problème tient au différentiel de taux d’intérêt auquel sont confrontées certaines régions, car cela revient pour elles à avoir leur propre devise (mais sans une banque centrale). Certains membres de la zone euro pourraient à moment donné envisager de formaliser ce qui est une réalité de fait. C’est ce que les marchés font déjà dans une certaine mesure.
Rien de tout cela n’est inévitable. L’euro n’a pas été créé uniquement pour des raisons économiques. Si on le considère comme un projet qui en vaille la peine, avantageux pour tous les participants, la zone euro pourrait être pérennisée. Mais il y faut un certain nombre de conditions.
En complément de marchés du travail flexibles, une zone euro viable suppose un mécanisme de garantie budgétaire minimum. Cela suppose non seulement une réglementation financière commune, mais aussi une supervision des institutions financières à l’échelle européenne, avec un dépôt de garantie commun et un plan commun de résolution des problèmes bancaires.
C’est une tâche énorme qui prendra du temps. Mais l’alternative immédiate – laisser tomber la Grèce (et potentiellement d’autres pays) – serait très coûteuse. Les pays de la périphérie auraient à payer une prime de risque conséquente aux investisseurs en échange du risque lié à une redénomination (un défaut partiel). La zone euro deviendrait alors aussi vulnérable que tout système à taux de change fixe, ainsi que l’Histoire le montre.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Hans-Helmut Kotz est membre du Centre d’études financières de l’université Goethe à Francfort et professeur invité au Centre d’études européennes de l’université de Harvard. De 2002 à 2010 il appartenait au directoire de la Bundesbank où il avait la responsabilité de la stabilité financière, des marchés et des statistiques.
Copyright: Project Syndicate, 2012.
1 comment
« L’union monétaire européenne se dirige vers l’abîme, involontairement »
Voilà bien des propose pour le moins curieux. « involontairement », à mon avis est fort déplacé. Par incompétence, oui certainement, par aveuglement, oui aussi, par couardise, absolument. Le problème majeur de l’Europe et donc de l’Euro reste que les décisions touchant les finances sont dans les mains des politiques et non dans les mains de vrais financiers, qui eux n’ont pas de problème de réélection et savent de quoi ils parlent.
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