Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, 11 circonscriptions nouvelles ont été créées pour les Français de l’étranger. Puisque le nombre de Français de l’étranger tend à augmenter, il a semblé aller de soi aux parlementaires réunis à Versailles de leur donner une représentation à l’Assemblée nationale.

Cette réforme est en théorie problématique car la tradition républicaine avait jusqu’à présent conditionné la représentation à la Chambre basse à la domiciliation sur le territoire national.

Pourquoi la réforme constitutionnelle de 2008 a-t-elle renforcé une représentation qui existait déjà ?

Depuis 1946, des sénateurs représentent les Français hors de France. Ils sont 12 aujourd’hui, élus par l’Assemblée des Français de l’étranger ; un collège électoral de 155 membres élu par les expatriés inscrits sur les registres consulaires. A ce double niveau, on a superposé un ministre délégué aux Français de l’étranger.

Thierry Mariani
En Thaïlande, c’est le candidat parachuté de l’UMP qui a remporté le siège de député pour représenter  les Français de toute l’Asie et de l’Océanie

Notons que le« Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions », présidé par Edouard Balladur, s’était opposé à la création de postes de députés pour l’étranger. Son rapport final insistait sur sa nature« coûteuse » et « inopportune ». L’invention des députés hors-territoire répond donc à des objectifs ambigus qu’il convient d’élucider.

Lorsqu’en 2009 Alain Marleix, le secrétaire d’Etat aux collectivités locales, a procédé au découpage des 11 circonscriptions, la droite espérait remporter la majorité d’entre elles.

Au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy était en tête dans 8 circonscriptions. C’est pourtant l’inverse qui s’est produit : le Parti socialiste (7) et Europe-Ecologie-Les Verts (1) ont remporté la majorité des 11 sièges.

Des candidats UMP ont estimé qu’ils se trouvaient en territoire conquis et se sont comportés de manière arrogante

Le parachutage de Frédéric Lefebvre en Amérique du Nord a connu un échec retentissant, dans une circonscription pourtant promise à la droite. En outre, la multiplication des candidatures à droite a fragmenté le vote conservateur. Le Parti socialiste, en présentant des candidats centristes et inconnus, a davantage attiré un électorat politiquement modéré et globalement désintéressé par le vote.

Elections 2012 Français établis hors de France
La prime au « local » n’a pas toujours  joué en faveur des candidats expatriés puisque Paul Dumont, pourtant résident de longue date en Thaïlande, réussit à peine à devancer la candidate du Front National, Aude Bouveron avec 11,4% des suffrages.

Les candidats socialistes ont davantage mené campagne sur le terrain, parcourant des circonscriptions immenses (la 11e couvre l’Asie et l’Océanie), à la rencontre d’électorats microscopiques et éclatés.

Sans ressources logistiques et financières, les autres candidats se sont contentés d’inonder de courriers électroniques les boîtes à lettres d’électeurs.

La confirmation du vote présidentiel, le désintérêt pour l’élection et la présence de candidats inconnus pour une « fonction qui reste à définir » (selon l’expression d’une candidate de la 3e circonscription) expliquent en partie une participation infinitésimale. Pourtant rehaussé par le vote par internet, le taux de participation n’a pas dépassé 20% des suffrages exprimés en moyenne. Moins de 20 000 électeurs en moyenne ont voté dans chaque circonscription. Aucun des candidats n’a recueilli 12,5% des voix des inscrits. Ce scrutin a des allures d’élection cantonale et confère aux députés une représentativité équivalente à celle d’élus de syndicats étudiants.

 

via A quoi vont servir les députés des Français de létranger ?.