Le gouvernement thaïlandais souhaite apparemment revenir sur la politique audacieuse de licences obligatoires qui avait été mise en place après le coup d’état militaire de 2006, et s’orienter davantage vers la négociation d’accords avec les laboratoires et les grandes firmes pharmaceutiques américaines.
En novembre 2006, le ministre de la Santé publique thaïlandais Mongkol Na Songkhla avait provoqué la colère de certains fabricants de médicaments, en permettant l’application de licences obligatoires sur trois médicaments, autorisant la fabrication locale de génériques beaucoup moins coûteux contre le sida.
C’était la première fois que la Thaïlande utilisait un outil juridique autorisé en vertu de la loi sur les brevets et inscrit par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dans les Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC). Mais cette utilisation, saluée par la plupart des ONG comme une avancée importante, était-elle vraiment nécessaire ?
La licence obligatoire est une mesure controversée en vertu de laquelle le gouvernement peut divulguer les formules de médicaments brevetés par des sociétés étrangères, afin que les médicaments puissent être produits et distribués à moindre coût et en temps utile. La Thailande peut-elle prétendre aux conditions d’applications des licences obligatoires, qui suppose une véritable urgence sanitaire et un manque de moyens critique ?
La controverse sur les licences obligatoires octroyées par le Royaume en 2006 et 2007 a porté surtout sur l’Efavirenz des laboratoires Mercks et le Kaletra des laboratoires Abbot, deux traitements antirétroviraux destinés aux malades du sida, que les organisations humanitaires considèrent comme très importants.
Le laboratoire Abbot avait déjà proposé de réduire sensiblement le prix de son produit Kaletra, dont le cout annuel en traitement est de 7500 dollars aux États Unis, à 500 dollars pour une liste de 64 pays pauvres (essentiellement en Afrique). Le Kaletra fait partie des médicaments les plus utilisés dans le traitement du VIH/sida, car certains patients développent en effet une résistance aux antirétroviraux traditionnels et ont besoin d’une nouvelle catégorie de médicaments appelés « de deuxième intention ». En Thaïlande, ces médicaments peuvent coûter jusqu’à vingt-deux fois plus cher que les ARV traditionnels, et la Thailande n’est pas considéré à proprement parler comme un pays pauvre. De fait les pays à revenu moyen, comme la Thaïlande, sont dans une position inconfortable : ils ont aussi besoin de médicaments au moindre cout, mais en raison de la capacité de production dont ils disposent, ils subissent les pressions des entreprises pharmaceutiques, appuyées par le gouvernement américain, pour renforcer la protection de la propriété intellectuelle.
Peu de temps après l’octroi de la licence obligatoire, sur ces deux médicaments fabriqués par des firmes américaines, le gouvernement des États-Unis avait inscrit la Thaïlande sur la liste de surveillance prioritaire des pays suspects en matière de protection des droits de propriété intellectuelle. Une mesure qui est loin d’être anodine puisqu’elle peut entrainer le retrait des privilèges commerciaux accordés par les États-Unis. En théorie les deux décisions ne sont pas liées, mais beaucoup d’experts de la santé et du commerce on a vu cette mesure punitive, comme résultant de la position de la Thaïlande sur la question des brevets pharmaceutiques.
Aujourd’hui le gouvernement d’Abhisit Vejjajiva tente de revenir sur cette question avec une attitude plus conciliante : le but étant évidemment de préserver la voie vers les exportations américaines. Dans cette optique le Ministère du Commerce, le Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (PhRMA) et la Biotechnology Industry Organisation (BIO) ont convenu du principe d’améliorer l’accès à des médicaments moins chers pour les Thaïlandais, mais en encourageant la coopération sur la recherche et l’innovation, plutôt que d’imposer des licences obligatoires. La coopération en matière de recherche et de développement permettrait d’assurer à la Thaïlande la capacité de produire moins cher, des médicaments de qualité, tout en minimisant la controverse entre le gouvernement et les compagnies pharmaceutiques. Le principe étant fixé pour l’avenir, que les licences obligatoires seront utilisées par le gouvernement thaïlandais que comme un dernier recours.
C’est ce qu’à confirmé le vice-ministre du commerce, Alongkorn Ponlaboot, actuellement en visite aux États-Unis
« Je confirme que les déclarations d’octroi de licences obligatoires, seront utilisées en dernier recours par le gouvernement, si les compagnies pharmaceutiques s’engagent à aider la population thaïlandaise pour avoir accès à des médicaments moins chers et de qualité. Le Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (PhRMA) et la Biotechnology Industry Organisation (BIO) ont reconnu que l’actuel gouvernement tente à la fois de protéger la propriété intellectuelle (IP) et le droits aux soins de la population »
a déclaré Alongkorn aux Etats Unis.
Dans un premier temps, la Biotechnology Industry Organisation (BIO) a invité les chercheurs, et scientifiques thaïlandais à se joindre à son séminaire de biotechnologie au mois de mai prochain à Atlanta, en Géorgie, afin que le Royaume puisse acquérir les connaissances essentielles pour le développement de son industrie pharmaceutique.
L’accord a été conclu après une réunion entre la PhRMA, la BIO, et des fonctionnaires thailandais basés à Washington, suite à la recommandation de la PhRMA de déclasser la Thaïlande de la liste de surveillance prioritaire. Le Royaume a été mis sur la liste de surveillance prioritaire, il y a deux ans, en raison principalement de l’attitude de l’administration Surayud Chulanont et de l’imposition de licences obligatoires pour certains médicaments sous brevet américain. La Thaïlande espère en adoptant une attitude plus conciliante, obtenir de la part des Etats Unis une mise à jour de la liste de surveillance dès l’année prochaine.
1 comment
Si j’ai bien compris, les multinationales pharmaceutiques américaines ont tout simplement le pouvoir de dicter leur loi à la Thailande, grace aux pressions « amicales » du gouvernement US. Quant aux malades du sida (pauvres), ils n’ont plus qu’à crever en attendant que les intérêts commerciaux des Abbot et Mercks retrouvent leurs intouchables royalties.
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