En 2009, la Thaïlande annonçait son deuxième programme concernant les droits de l’homme qui devait aboutir à une supression progressive de la peine capitale. Mais trois ans plus tard c’est la déception qui prédomine, la Thaïlande fait toujours partie des 25 États dans le monde qui refusent d’abolir la peine de mort.
Ce programme, prévu sur cinq ans, n’avait pas manqué de réjouir les défendeurs des droits de l’homme qui se battent depuis de nombreuses années pour obtenir l’abolition de la peine de mort. Au cours d’une conférence au FCCT à Bangkok plusieurs intervenants étaient présent pour connaitre l’évolution du projet et faire part de leurs différents points de vue sur le sujet.
Un représentant du ministère de la Justice de Thaïlande était présent aux côtés de « Nene » Pimentel, ancien sénateur des Philippines, et de Danthong Breen, président de l’Union des Libertés civils. Ensemble, ils ont ouvert le débat tout en offrant une analyse de l’état de la peine de mort dans le monde, afin de mieux comprendre la situation actuelle de la Thaïlande.
Sept personnes ont été exécutées par injection létale ces dix dernières années, dont quatre en 2003 et trois en 2006, mais bien plus ont été, et sont toujours, condamnées à la peine capitale. Cependant la plupart bénéficient chaque année du « pardon royal », gratifié par le roi lui-même. C’est le cas de 83 femmes, épargnée par le roi actuel, sa majesté Rama IX.
La mort pour 20 grammes d’héroine
Le plan de cinq ans, qui présageait un grand pas vers l’abolition de la peine de mort, semble aujourd’hui stagner. Le ministère de la justice, souhaitant se montrer rassurant, a annoncé que le programme était composé de huit points bien précis, mais qu’il était freiné par des frais trop élevés. Cependant, d’autres mesures laissent entrevoir une évolution plus négative.
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Ainsi, le ministère de la Justice prévoit de diviser par deux la quantité de drogue engendrant la peine capitale. Actuellement basé à 20 grammes d’héroïne ou son équivalence, cette nouvelle réglementation placerait la Thaïlande second pays le plus strict au monde, devant Singapour, ou la limite est fixée à 15 grammes. Si le ministère obtient les 10 000 signatures nécessaires, le parlement sera alors contraint de prendre en compte la demande de modification de la loi.
Une autre proposition du ministère de la Justice permettrait l’exécution des condamnés si aucune réponse à la demande de pardon royal n’a été reçue après 60 jours. Actuellement, seule une réponse négative entraîne l’exécution de la sentence finale. Le président du département de correction, bien qu’étant affilié au ministère de la Justice, a catégoriquement refusé cette proposition.
Le combat des Philippines
Présent à la conférence du 7 mars à Bangkok, Nene Pimantel, sénateur en poste lors de l’abolition de la peine de mort aux Philippines, a expliqué comment son pays a su faire face aux difficultés politiques et sociales avant d’obtenir l’abolition de la peine capitale.
« La mort n’est jamais justice » disait déjà l’Union Européenne. Mais il aura fallu attendre 60 ans après la proclamation de l’Indépendance des Philippines, pour que le pays n’abolisse la peine de mort, déclarant que le principe « œil pour œil, dent pour dent » relevait d’un acte de barbarie dans la société actuelle.
Pendant cette période, alors que de plus en plus d’inculpés étaient condamnés à mort, certaines observations ont éveillés les consciences: aux Philippines, la peine de mort concernait majoritairement les plus pauvres, représentants 69% des condamnés, contre 20 % des classes moyennes et seulement 3 à 5% des plus riches. Les inégalités dans l’éducation et les possibilités de défense face à la justice sont sans doute la cause principale d’une telle répartition.
La constitution de 1987 aux Philippines fut un élément déclencheur et une étape décisive envers l’abolition des mises à mort. Jusqu’à lors, seulement une dizaine de crimes majeurs pouvait amener à la condamnation à mort. Mais lorsque le congrès voulu devenir plus sévère, le gouvernement gela toutes les mises à mort. Six ans plus tard, la peine capitale était enfin abolie aux Philippines.
Le calvaire des condamnés
En Thaïlande, environ 55% des condamnés à mort le sont pour trafic de drogues. Un accusé reçoit entre deux et trois jugements, dans différentes cours d’appels. Après le jugement final, les condamnés à mort peuvent attendre plusieurs années à espérer un pardon royal.
Ces derniers vivent alors dans des conditions extrêmes, dans des prisons surpeuplées, avec des chaines parfois lourdes de plus de 20 kg, sans avoir le droit, à l’instar les autres prisonniers, à quelconques travaux ou activités. Autant d’affronts à la convention internationale des droits de l’homme qui proscrit les traitements inhumains des détenus.
Chaque année, le secrétaire général des Nations Unis fait un point sur la peine de mort dans le monde. 25 états la pratiquent toujours de manière effective. Les pays encore concernés sont souvent ceux qui refusent aussi de signer le statut de Rome qui instaure aussi une cour pénale internationale (CPI) . Ces derniers, dont les Etats-Unis, refusent de reconnaitre la compétence de la cour sur leur territoire et sur leurs citoyens.
Une majorité de détentions liées à la drogue
Certains détenus sont condamnés pour des crimes graves, mais, selon un rapport du comité des droits de l’homme thaïlandais datant de 2005, 70% des quelques 800 condamnés à mort l’étaient pour trafic de drogue, la plupart étant non pas de grands trafiquants mais de simples livreurs ou courtiers.
Indépendamment des condamnés à morts, les prisons thaïlandaises sont remplies d’individus mis en détention pour des faits liés à la drogue. Ils ne représentent pas moins de 57% de l’ensemble de la population carcérale, un tiers d’entre eux ayant moins de 25 ans. Système répressif à souhait, la réhabilitation ou des peines aménagées n’existent tout simplement pas.
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