Plus de 5000 morts, près de 10000 blessés en huit ans: la rébellion des insurgés islamistes du sud de la Thaïlande apporte presque chaque jour son lot de victimes, souvent innocentes. Cette fois ce sont quatre civils qui ont été, semble t-il, abattus par des militaires au cours d’un contrôle routier qui a tourné au drame.

Dimanche dernier, dans le sud de la Thaïlande, une équipe de militaires ont ouvert le feu sur neuf civils musulmans qui circulaient à bord d’un pick-up. Les militaires dit « rangers » ont tué quatre des huit hommes à bord et blessant quatre autres. Les familles des victimes ainsi que les habitants de Pattani, révoltés, ont aussitôt demandé justice en clamant  l’innocence des victimes. D’après eux, ces derniers se rendaient à un enterrement quand ils ont été interpellés et ils n’étaient pas armés.

Le département de Nong Chik a connu de nombreux affrontements ces derniers mois. Le conflit entre les rebelles musulmans et les forces militaires de la région ne connait aucun répit, faisant des victimes quasiment tous les jours. Rien que l’an dernier, un total de 535 personnes ont été tuées et 1050 blessées au cours de 671 incidents violents  dans les trois régions sud de la Thaïlande à majorité musulmane.

La Une du Bangkok Post consacrée à la fusillade de Pattani

Ce dernier incident est aussi symptomatique de la confusion qui règne dans ce conflit, où des civils sont souvent impliqués malgré.

Selon le commandant général adjoint de l’ISOC (Internal Security Operation Command) des régions du sud de la Thaïlande le général Acra Tiparoj

Lorsque j’ai commencé mon service dans le sud musulman il y a 25 ans, les insurgés s’identifiaient comme tel, et portaient même parfois un uniforme. C’était une guerre insurrectionnelle classique. Aujourd’hui ils ne veulent surtout pas être identifiés et se fondent parmi les civils. C’est beaucoup plus compliqué pour les forces de l’ordre.

Les terroristes utilisent la population civile comme camouflage, et s’en prennent eux même souvent aux civils. Ils s’attaquent aussi souvent aux écoles et aux enseignants car ils ne veulent pas que la population locale apprenne à parler Thai et communique avec les autorités.

Mais cette fois il semble bien que les militaires aient ouvert le feu sur des civils innocents, et non sur des insurgés armés. La Premier ministre, Yingluck Sinawatra, a annoncé une enquête par les forces de sécurité internes de la région (ISOC). Dans les 24 heures suivant l’incident, les rangers de la région ont été envoyé au camp d’Inkayutthaborihan, à plusieurs kilomètres de Pattanni.

Le gouvernement reconnait, pour une fois, une erreur commise par les forces armées

Sukumpol Suwanatat, ministre de la défense, a annoncé ce jeudi que si l’investigation devait innocenter les victimes, les agences concernées étaient prête à reconnaitre leur erreur et augmenteraient les dédommagements des victimes à 500 000 bahts au lieu des 100 000 initialement prévus. Une polémique a cependant commencé sur le montant des indemnités, car le mois dernier le gouvernement a promis d’indemniser les victimes « chemises rouges » des manifestations d’avril 2010 à hauteur de 7,5 millions de baht (187.000 euros).

C’est la première fois que le gouvernement reconnait explicitement sa responsabilité au cours des nombreux affrontements qui opposent les militaires et la rebellion indépendantiste, parfois dans des conditions peu claires.

Un gouvernement qui tient cependant à justifier indirectement l’erreur commise : suite à une attaque de la base militaire de Ban Namdum la veille au soir, les rangers étaient partis à la recherche des rebelles responsables, ce qui expliquerait leur détermination.

Depuis 2004, on compte plusieurs victimes par jour, et déjà plus de 5000 dans les trois régions sud de la Thaïlande à majorité musulmane. L’Etat d’urgence qui donne tout pouvoir aux militaires pour arrêter et interroger des suspect n’a jamais été levé, et les tensions continuent à augmenter dans un conflit que plus personne ne sait comment aborder.