Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que Chuwit Kamolvisit, ancien propriétaire de salon de massages, et élu en juillet dernier comme député, ne mette en application sa principale promesse de campagne : lutter contre la corruption.
Mardi 23 août, lors d’une session au parlement, il dévoilait des photos et une vidéo, tournée en caméra cachée, d’un casino clandestin de taille tres respectable, visiblement contrôlé par la police de Bangkok, et qui plus est, situé sur une des principales artères de la capitale.
La police a d’abord démenti l’existence d’un tel lieu, avant de confirmer les faits suite à une nouvelle vidéo rendue public par Chuwit qui montrait le déménagement complet du casino le lendemain de son intervention au parlement.
L’information que la police contrôlait le casino a été confirmée via la voix du chef du bureau de la commission anti-corruption du secteur public (PACC).
Jeudi 31 août, lors d’une conférence donnée au Foreign correspondants club of Thailand (FCCT), devant une salle comble remplie d’expatriés et de journalistes, Chuwit a affirmé que d’autres casinos existent, implantés un peu partout dans le Royaume, et que tout le monde serait au courant de leur existence.
J’ai montré les preuves de l’existence de ce casino au Parlement le mardi, et la police n’est venue que le vendredi… Je savais que cela allait se passer comme ca, et c’est pourquoi je suis revenu filmer le déménagement.
Pendant trois jours et trois nuits ils ont tout emmené: roulettes, tables de Baccara. On se serait cru à Macau
a déclaré Chuwit, lors de sa conférence de presse.
Cette révélation par Chuwit de l’importance de la corruption liée aux casinos en Thaïlande est confirmée par les recherches de Sungsidh Piriyarangsan, directeur du programme doctoral de l’université Chandrakasem Rajabhat.
D’après ses recherches, il y aurait plus de 170 casinos clandestins rien qu’à Bangkok, de toutes les tailles. Entre 180 et 200 milliards de bahts changeraient de mains chaque année dans ces établissements. Les différents propriétaires récolteraient un bénéfice compris entre 38 et 40 milliards de bahts et paieraient entre 5 et 20 % de pots de vins à la police, l’armée ou à des fonctionnaires suivant l’emplacement et le type de clientèles.
A travers toute la Thailande, Sungsidh Piriyarangsan estime que le business des casinos représenterait une somme comprise entre 640 et 820 milliards de bahts pour un bénéfice des tenanciers avoisinant les 90 milliards de bahts.
Vers une légalisation des casinos ?
Les thaïs aiment les jeux d’argent et parier, que ce soit via la boxe, les combats de coqs, le football national ou anglais et tant d’’autres encore. Jouer de l’argent, sa montre ou sa voiture et risquer de tout perdre est très présent dans la société thaïe. Un casino illégal fermera, un autre rouvrira sous peu. L’arrêt de ces pratiques semble une chimère.
C’est difficile de dire la vérité en Thaïlande, et parce que j’ose parler des problèmes qui existent je suis devenu un étranger dans mon propre pays. La société thailandaise préfère le collectif et le compromis: les individus ne sont pas encouragés à prendre position par eux même, ou se distinguer d’un groupe.
remarque Chuwit
Face à cet état de fait, certains commencent à se poser la question d’une éventuelle légalisation des casinos, à commencer par Sungsidh Piriyarangsan qui pense que ce business illicite ne pouvant être éliminé, mieux vaudrait alors le légaliser pour y apporter un certain contrôle de l’Etat et diminuer la corruption.
Par ailleurs, un autre argument voudrait que la légalisation des casinos constitue une offre touristique supplémentaire pour la Thaïlande en concurrençant directement sur cet aspect ses voisins proches que sont le Cambodge ou la Malaisie, voire Macao et Singapour.
Une légalisation, qui ne pourrait de toute évidence pas régler les problèmes sociaux et d’addiction liés aux jeux, aurait néanmoins le mérite d’instaurer un certain contrôle public sur les jeux d’argent. L’Etat pourrait aussi y trouver son compte en percevant des ressources supplémentaires en taxant les recettes de ces établissements.
Interrogé sur cette question lors de sa conférence au FCCT, Khun Chuwit s’est montré plutôt pessimiste. Selon lui, la société thaïe est beaucoup trop conservatrice et hypocrite pour accepter une telle légalisation, sans compter que les puissants qui bénéficient actuellement de la manne financière de ces casinos illégaux ne verraient pas d’un bon œil de perdre leurs subsides.
En attendant, l’incartade de Chuwit a coûté son poste au chef de la police: le nouveau premier ministre, Yingluck Shinawatra l’a remplacé sur le champ par son cousin, le beau frère de Thaksin.