L’élection parlementaire de mai en Thaïlande devait être un simple désaveu du gouvernement au pouvoir, mais elle a plutôt été un rejet massif et sans équivoque.
Plus de 70 partis ont participé à cette élection historique où plus de 75 % des électeurs se sont rendus aux urnes. Ils ont exprimé sans ambiguïté leur volonté de mettre fin au gouvernement actuel du Premier ministre Prayut Chan-o-cha, qui a dirigé la Thaïlande à la suite d’un coup d’Etat pendant près d’une décennie.
Plus de la moitié des voix dans ce pays de 71 millions d’habitants sont allées aux deux principaux partis d’opposition : Move Forward, la nouvelle incarnation du parti Future Forward dirigé par le jeune leader Pita Limjaroenrat, 42 ans, et Pheu Thai, le parti populiste associé à l’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra.
À la surprise générale, Move Forward a remporté le plus de sièges, et le plus de voix (15 millions) malgré les attentes que Pheu Thai arriverait en tête du scrutin.
Les défis de Move Forward
Le succès de Move Forward est dû en grande partie à sa critique sans détour du rôle de l’armée et de la monarchie dans la politique thaïlandaise. Ses dirigeants ont promis aux électeurs qu’ils ne formeraient pas de gouvernement de coalition avec un parti soutenu par l’armée et qu’ils lanceraient des réformes de l’article 112 sur le lèse-majesté qui criminalise toute critique de la monarchie.
Après un coup d’État militaire en 2014 et la mise en œuvre accrue de lois qui réduisent au silence la dissidence, comme l’article 112, de nombreux Thaïlandais en sont venus à considérer le lèse-majesté et ses restrictions comme emblématiques de l’établissement monarchique conservateur qui domine le pays depuis des décennies.
Un Sénat anachronique et tout puissant
Mais les promesses qui ont propulsé Move Forward devant ses concurrents pourraient s’avérer impossibles à tenir. Les mathématiques sont contre le parti. En 2017, Prayut, un ancien général, et sa junte militaire non élue ont mis en place une disposition constitutionnelle temporaire qui leur a permis de nommer les 250 membres du Sénat, la chambre haute thaïlandaise.
Avec les 500 membres du parlement récemment élus, ces sénateurs nommés désigneront le prochain Premier ministre thaïlandais. Même si Move Forward a remporté 151 sièges lors des élections de mai et Pheu Thai 141, leurs voix combinées sont insuffisantes pour désigner le prochain Premier ministre thaïlandais.
Move Forward dispose de 60 jours pour former une coalition avec d’autres partis et rassembler suffisamment de voix pour élire son leader, Pita, comme Premier ministre. Si sa coalition n’atteint pas le seuil des 376 voix, elle pourrait être obligée de s’allier avec un des partis soutenus par l’armée. Le prix du soutien d’un tel parti sera probablement l’enterrement de toute discussion sur la réforme des lois sur le crime de lèse-majesté.
Depuis novembre 2020, plus de 100 personnes ont été arrêtées ou inculpées en vertu de ces lois pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales ou pour avoir exprimé leur opinion sur les réseaux sociaux.
Le roi Maha Vajiralongkorn pourrait également un rôle dans la formation du prochain gouvernement thaïlandais. Depuis son accession au trône en 2016 après le décès de son père, le très respecté Bhumibol Adulyadej, Vajiralongkorn a consolidé son pouvoir personnel et politique.
Le roi a le pouvoir discrétionnaire d’approuver ou non le prochain Premier ministre thaïlandais. S’il refuse d’approuver Pita ou tout autre candidat issu d’un parti d’opposition, il pourrait provoquer une crise constitutionnelle et politique sans précédent dans le pays. Il pourrait également dissoudre le parlement et convoquer de nouvelles élections, ce qui prolongerait indéfiniment le mandat du gouvernement intérimaire dirigé par Prayut.
Un avenir incertain
La Thaïlande se trouve à un carrefour historique entre la démocratie et l’autoritarisme. Les élections de mai ont montré que les Thaïlandais sont fatigués du statu quo et veulent un changement politique radical. Ils ont voté massivement pour des partis qui défient ouvertement le rôle dominant de l’armée et de la monarchie dans la vie publique. Mais ces partis devront faire face à des obstacles considérables pour former un gouvernement stable et efficace qui puisse répondre aux aspirations du peuple thaïlandais.
Ce scrutin historique démontre que la Thaïlande est loin d’avoir résolu ses profondes divisions politiques et sociales. Le pays a maintenant besoin d’un dialogue national inclusif et constructif pour trouver un compromis acceptable entre les différentes forces en présence. Sinon, il risque de sombrer dans une nouvelle spirale de violence et d’instabilité.
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Prayut Chan-o-cha sera responsable de la guerre civile qui arrive a grands pas en Thailande
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