Depuis la dépénalisation de la production, de la vente et de la consommation (en principale médicale) de cannabis par le gouvernement thaïlandais en juin 2022, une vaste industrie non réglementée a vu le jour.
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Cette décision a eu des conséquences importantes sur l’apparition de points de vente spécialisés dans les produits à base de cannabis, qui prolifèrent dans les grandes villes.
Le royaume s’impose comme le premier pays d’Asie à s’engager dans une législation prudente en faveur de la légalisation du cannabis. Ainsi, après avoir voté une loi autorisant l’utilisation du cannabis à des fins médicales à la fin de l’année 2018 et après avoir autorisé l’utilisation de certaines parties de la plante dans des produits alimentaires et cosmétiques en 2019, la Thaïlande a fait le choix de dépénaliser la production, la vente et la consommation personnelle de cannabis en juin 2022.
Rompant avec la sévérité traditionnelle des politiques régionales, cette décision a permis l’ouverture de plus de 3 000 nouveaux points de vente, dont 220 à Chiang Mai dans le nord du pays. Cette prolifération, si elle est bénéfique pour l’économie du royaume, soulève des questions sur sa réglementation et sur la sécurité des consommateurs.
Le gouvernement insiste sur le fait qu’il s’agit d’encourager un usage médical du cannabis, mais en réalité des magasins ont fleuri un peu partout en Thaïlande qui fournissent leurs clients pour un usage récréatif.
La crise du Covid-19, un accélérateur de la dépénalisation du cannabis
Dévastée par la crise du covid-19 et les restrictions sanitaires qui y sont liées, l’industrie du tourisme en Thaïlande a considéré qu’un changement de politique vis-à-vis de l’usage du cannabis apporterait un regain d’intérêt pour les touristes, notamment auprès des jeunes adultes.
Le ministère de la santé publique thaïlandais a soutenu une telle politique pour deux raisons : les vertus thérapeutiques du cannabis, et les opportunités économiques pour les populations défavorisées.
Les vertus thérapeutiques de l’usage médical du cannabis
Pour certains consommateurs, y compris les Thaïlandais les plus âgés, le cannabis est censé apporter des bienfaits dans la gestion de la douleur et dans le traitement des troubles chroniques du sommeil.
- De nombreux Thaïlandais, dont la consommation était auparavant cachée, n’hésitent désormais plus à se rendre dans les nouveaux points de vente officiels.
Le docteur Chawanan Charnsil, directeur de l’Association psychiatrique de Thaïlande, rappelle que la consommation récréative de cannabis expose les personnes souffrant de troubles mentaux à un risque accru de stress, d’anxiété et de dépression. - Si les effets négatifs de la consommation récréative de cannabis sont réels à long terme, ils resteraient mineurs dans le cas d’un usage médical, incitant le ministère thaïlandais à soutenir sa dépénalisation.
Les opportunités économiques de la culture du cannabis
Le gouvernement considère également la dépénalisation du cannabis comme un moyen de relancer l’industrie du tourisme en Thaïlande, mais aussi comme une possibilité d’offrir des opportunités économiques pour les populations défavorisées.
Une législation inadaptée
L’introduction soudaine de la politique de dépénalisation couplée à une législation ne réglementant pas assez l’industrie et manquant d’application soulève des questions en ce qui concerne la qualité des produits disponibles à la vente et la sécurité des consommateurs.
Ainsi, si les restrictions imposées aux points de vente empêchent officiellement les achats par des personnes de moins de 20 ans, il reste difficile de contrôler l’identité des acheteurs.
Pire encore, il est difficile de garantir que les produits à base de cannabis sont de qualité et ne présentent pas de danger pour la santé. Les ingrédients présents dans les produits mis à la vente ne sont pas suffisamment contrôlés et ces produits peuvent être contaminés par des pesticides et des herbicides.
Un choix politique?
La politique de dépénalisation est soutenue par le ministre de la santé publique Anutin Charnvirakul, qui est aussi vice-premier ministre. Chef du parti populiste Bhumjaithai, il est aujourd’hui considéré comme un candidat potentiel au poste de premier ministre lors des prochaines élections nationales prévues en mai 2023.
Un enjeu pour les élections de mai 2023
Les opposants d’Anutin Charnvirakul et de son parti promettent quant à eux de « réprimer la consommation de stupéfiants » s’ils remportent les élections, à l’image du parti d’opposition Pheu Thai. Les groupes politiques conservateurs remettent en question le choix d’une dépénalisation, se demandant par la même occasion si les consommateurs de cannabis sont le genre de touristes que la Thaïlande devrait accueillir.
L’élection du parti d’opposition en mai 2023 pourrait donc remettre en cause l’existence de la nouvelle industrie du cannabis, jusqu’à lors en plein essor.
En conclusion, si la dépénalisation du cannabis en Thaïlande semble avoir contribué à la remise sur pied de l’industrie du tourisme et permis la création d’opportunités économiques pour des populations défavorisées, la prolifération des points de vente spécialisés et leur réglementation soulèvent de nombreuses questions.
Pas assez réglementée, l’industrie pose des problèmes importants en termes de qualité et de sécurité des produits vendus. Trop réglementée ou remise en cause par les partis d’opposition, l’industrie verrait sa croissance et son innovation entravée. Réponse en mai 2023.