Près de cinq ans après le coup d’Etat sans effusion de sang qui a renversé Thaksin Shinawatra, la crise politique est loin d’être terminée en Thailande: le fantôme de Thaksin plane sur le scrutin qui doit consacrer un nouveau gouvernement, et celui-ci pourrait bien être dirigée par un autre membre de la famille.

Le coup d’État du 19 septembre 2006 était censé mettre fin à des mois d’agitation politique et rétablir la stabilité en la Thaïlande, mais cinq années plus tard le royaume est aussi divisé et instable que jamais.

Les militaires qui avaient renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra ont été dans un premier temps, accueillis avec soulagement par de nombreux Thaïlandais, en particulier ceux qui manifestaient contre les abus de pouvoir de l’administration de Thaksin. Mais l’illusion d’un retour à la normale dans le sillage des chars de l’armée sera de courte durée.

Le coup est apparu comme ayant été plus facile à exécuter que de gérer la suite. La vie politique thaïlandaise est devenue plus compliquée, et les enjeux sont plus importants. Le problème vient du fait que ceux qui gagnent les élections ne dirigent par le pays, et ceux qui dirigent le pays ne se présentent pas aux élections….

estime Thitinan Pongsudhirak directeur des études internationales, Faculté de science politique, Université de Chulalongkorn.

Cinq ans après le retour en force des militaires dans la vie politique thaïlandaise, certaines conclusions semblent déjà installées de manière irréversible.

Thaksin, l’indestructible adversaire

La première c’est l’incroyable résilience de Thaksin et du mouvement qu’il a crée dans la société thaïlandaise. Non seulement il occupe toujours le devant de la scène, mais ses adversaires n’ont pas eu d’autres choix que de copier ses politiques « populistes », sans pour autant réussir à convaincre. C’est aussi la première fois qu’un homme politique évincé par les militaires ne sombre pas plus ou moins rapidement dans l’oubli.

L’incroyable résilience de Thaksin et du mouvement qu’il a crée dans la société thaïlandaise est aujourd'hui incarnée par sa propre soeur, qu'il considère comme son 'clone'

La deuxième conclusion que l’on peut tirer de l’actuelle situation, c’est l’impossibilité de revenir à la situation d’avant Thaksin. Les généraux avaient pour but affiché de se débarrasser de Thaksin Shinawatra, accusé de corruption. Mais ils avaient aussi semble t-il une autre mission, moins facile à assumer : défaire son héritage dans l’éveil des masses rurales thaïlandaises.

Le réveil de l’électorat rural

Entre 2001 et 2006 Thaksin a réveillé l’électorat rural jusqu’alors délaissé par les élites traditionnelles, qui se sent maintenant partie prenante à l’avenir de la Nation. Ces sections trop souvent négligées de l’électorat sont devenues des intervenants clés au cours des années Thaksin. Leur conscience politique s’est éveillée de façon irréversible, et après avoir imposé leur participation dans le système, ils ne veulent plus retomber dans l’oubli.

En apparence, cette élection est une lutte entre le leader du Parti démocrate, le premier ministre Abhisit Vejjajiva et le Parti Pheu Thai dirigé par Yingluck Shinawatra, la sœur cadette du magnat des télécommunications en exil, Thaksin Shinawatra, qui reste une figure centrale dans la crise thaïlandaise.

En fait l’enjeu va bien au delà du parti qui dirigera le prochain gouvernement de la Thaïlande. L’élection est la dernière escarmouche d’une longue bataille sur l’équilibre du pouvoir entre les élus, les militaires, et la monarchie. Le parti pro-Thaksin semble prêt à conquérir le pouvoir – mais les généraux sont susceptibles de faire tout leur possible pour l’en empêcher.

estime Andrew MacGregor Marshall ex correspondant de Reuters en Thaïlande

Les conseils avisés des généraux thaïlandais

Récemment le commandant en Chef de l’armée thaïlandaise, le général Prayuth Chan-Ocha a lancé quelques avertissements et appelé les électeurs à voter pour les « bonnes personnes » lors des élections générales pour le parlement le 3 juillet prochain, afin de «protéger la monarchie et changer le pays pour le mieux».

« Si vous obtenez à l’élection les mêmes résultats que précédemment, vous n’aurez pas quelque chose de nouveau, et vous ne verrez aucune amélioration après cette élection. »

a t-il précisé, mettant en garde les électeurs contre une nouvelle victoire des pro Thaksin.

Si les militaires avait simplement tenu leur promesse de s’en prendre uniquement aux excès de Thaksin et à ses abus, par ailleurs incontestables, la solution aurait été beaucoup plus acceptable pour toute une partie de la population. La principale erreur de l’actuelle coalition est de vouloir absolument remonter le temps et revenir au statu quo ante de la période pré-Thaksin en Thaïlande.

L’actuelle situation est aussi rendue plus délicate par une inquiétude croissante quant à la question taboue de la succession éventuelle du roi Bhumibol Adulyadej, 83 ans et de santé fragile, qui incarne traditionnellement le rôle du personnage unificateur du pays. Les efforts incessants du gouvernement pour étouffer toute forme de débat sur l’avenir de la monarchie – par des arrestations suivies de très lourdes peines, et la censure de l’Internet – n’ont fait que renforcer le problème.

2 comments
  1. @Angelo.

    Pourriez vous etayer vos remarques de liens, car pour le moment le coup des isoloirs et atres ne sont que vos dires…que je ne conteste pas mais que je souhaiterais confirmes

  2. Pour la nième fois, je lis que les « masses rurales » supporteraient Thaksin, et çà reste FAUX !
    Il manque un petit mot, les « masses rurales DU NORD/NORD-EST » …
    Les « masses rurales » du Sud votent à plus de 80%, comme tout-le-monde dans cette région CONTRE THAKSIN !
    Et ce malgré des tentatives (en 2005) extraordinaires pour faire plier cet électorat (fraude institutionnalisée, assassinats, mises de fonds sans limite pour acheter les voix etc etc, jusqu’au design d’un « isoloir » permettant de vérifier le bulletin choisi par le votant !).
    Pour terminer, en ce moment, c’est de la « restauration de Thaksin » qu’il est question, pas de je ne sais quel statu-quo ! (il serait même question de lui rendre les milliards qu’il a volé au pays et qui lui ont été confisqués !)

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