Les manifestants pro-démocratie en Thaïlande et au Myanmar utilisent des moyens similaires lorsqu’ils protestent pacifiquement contre leurs gouvernements respectifs.
Aux cris de « libérez Aung San Suu Kyi ! », les manifestants sont à nouveau descendus dans les rues de Rangoun la semaine dernière, bravant les menaces de représailles de l’armée qui a pris le pouvoir le 1er février.
Comme en Thaïlande on a vu apparaître en Birmanie le salut à trois doigts inspiré par The Hunger Games, qui a été adopté par le mouvement de jeunesse thaïlandaise opposée au gouvernement du général Prayut.
La série de films Hunger Games date de 2008 et met en scène des personnages aux prises avec un régime totalitaire.
Les manifestants birmans ont ajouté un ruban rouge à leur version, la couleur du parti au pouvoir évincé d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie.
Le parti a remporté une victoire écrasante aux élections générale de novembre, mais est accusé de fraude électorale par l’armée.
Le commandant en chef de l’armée, Min Aung Hlaing, s’est exprimé pour la première fois, lundi soir, sur la chaîne de l’armée Myawaddy TV.
Il s’est engagé à « la tenue d’élections libres et justes » d’ici un an, et a promis un régime militaire « différent » des précédents.
A peu de chose près, un discours presque en tout point similaire a celui de l’armée thaïlandaise à l’issue du coup d’Etat de 2014.
Le poids des mots, le choc des woks
De leur coté les manifestants thaïlandais ont adopté la technique du « pot banging » apparue récemment en Birmanie.
«Abolissez le 112», ont crié des manifestants thaïlandais mercredi à Bangkok en faisant résonner des pots en métal à l’aide de louches, baguettes, et autres ustensiles de cuisine imitant les récentes expressions de mécontentement au Myanmar.
« Je pense que c’est une bonne idée montrer notre soutien aux manifestants birmans en adoptant le pot-clanging », a déclaré Natcha, une manifestante à Bangkok, à Nikkei Asia en utilisant un pseudonyme.
« Cacerolazo » en Amérique latine et « pot banging » en Asie
Le claquement de casseroles et poêles – ou cacerolazo – a également eu son heure de gloire dans les années 1970 en Amérique latine lorsque les femmes conservatrices ont utilisé cette pratique pour s’opposer à l’élection du président socialiste Salvador Allende au Chili.
Utiliser des casseroles en signe de protestation n’est pas une idée nouvelle cependant: au 19ème siècle, les Parisiens ont utilisé leurs ustensiles de cuisine pour protester contre les conditions économiques et les pénuries alimentaires.
La même technique a été employée dans le même pays en 1984, mais cette fois contre le dictateur chilien Augusto Pinochet et s’est ensuite répandu à travers l’Amérique du Sud en réponse à la crise financière de 2001 en Argentine, aux élections de 2013 au Venezuela et, en 2020, pour protester contre le président brésilien Jair.
L’arrière-cuisine de la désobéissance civile
Le mouvement de contestation ne faiblit pas en Birmanie, et les manifestants ont récemment fait une large place aux ustensiles de cuisine pour organiser une forme originale de désobéissance civile.
À Yangon, l’ancienne capitale et la plus grande ville du Myanmar, les gens font grève chaque jour vers 20 heures depuis que le général en chef Min Aung Hlaing a organisé son coup d’État aux premières heures du 1er février.
Mais ce ne sont pas seulement les manifestants qui ont éprouvé le besoin de se rapprocher entre la Thaïlande et la Birmanie.
Après avoir organisé son coup d’État surprise, l’une des premières personnes que Min Aung Hlaing a contacté était le général Prayuth.
Mercredi, Prayuth a reconnu avoir reçu une lettre de Min Aung Hlaing demandant son soutien pour ramener la démocratie au Myanmar. Prayuth a déclaré qu’il soutenait déjà ce processus, « mais c’est leur affaire ce qu’ils font ensuite. »
La Thaïlande et le Cambodge ont en efeet été les membres les moins critiques de l’ASEAN dans leurs commentaires sur le coup d’État.
Les généraux birmans inspirés par le « modèle » thaïlandais ?
En tant que chef de l’armée, Prayuth a pris le pouvoir en 2014 et a passé les cinq années suivantes à présider un gouvernement désigné par lui même et des proches du pouvoir, et une assemblée législative nationale non élue.
Après avoir rédigé une nouvelle constitution et modifié les lois électorales, Prayuth a pu revenir au pouvoir en tant que Premier ministre élu après une élection générale organisée en 2019.
Le processus a été décrit comme « partiellement libre et non équitable » par le Réseau asiatique pour des élections libres ( ANFREL), un organisme indépendant de surveillance des élections.
Min Aung Hlaing a justifié son coup d’État de la semaine dernière en invoquant de graves irrégularités lors des élections de novembre.
Mais l’ANFREL s’était quant à elle félicitée après le scrutin et avait félicité la Commission électorale de l’Union pour son travail fructueux.
« Les opérations de vote et de dépouillement ont été menées avec diligence et transparence », a déclaré l’ANFREL dans son rapport intérimaire sur les élections en Birmanie.