Le nombre de Thaïlandais vivant dans la pauvreté ne cesse d’augmenter depuis quatre ans, a déclaré la Banque mondiale après la publication d’un rapport sur les inégalités en Thaïlande, deuxième économie d’Asie du Sud-Est après l’Indonésie.
Alors que la Thaïlande était parvenue à faire nettement baisser son taux de pauvreté depuis trois décennies, passant de 65.2% de la population en 1988 à 9.85 % en 2018, la tendance s’est inversée depuis 2016.
Près de deux millions de pauvres en plus
Entre 2015 et 2018, le taux de pauvreté est passé de 7,2% à 9,8 % de la population.
En nombre absolu cela représente une augmentation de 4,85 millions de personnes à plus de 6,7 millions pour un pays dont la population est estimée à 69 millions d’habitants.
Dorénavant, de plus en plus de personnes vivent en deçà du seuil de pauvreté c’est à dire avec moins de 90 bahts par jour (2,50 euros), faisant de la Thaïlande le seul pays de la région d’Asie du Sud-Est à avoir connu plusieurs augmentations de la pauvreté depuis 2000.
En parallèle, la Thaïlande enregistrait en 2019 sa plus faible croissance depuis les cinq dernières années avec un taux de seulement 2,4%.
Selon la Banque de Thaïlande la croissance économique pourrait être inférieure à 1% en 2020 si l’épidémie de coronavirus se prolonge tout au long de l’année.
Le Nord plus touché que les autres régions
Si l’augmentation de la pauvreté concerne 61 provinces sur les 77 que compte la Thaïlande, c’est avant tout le Nord et le Centre du pays – régions fortement agricoles – qui sont affectées.
Les régions de Mae Hong Son, Pattani, Kalasin, Narathiwat et Tak demeurent à ce jour les cinq zones les plus marquées par la pauvreté dans le pays.
Entre 2015 et 2018, plus d’un demi million de personnes ont été touchées par la pauvreté dans chacune de ces deux régions.
Vivre avec moins de 90 bahts par jour
Un récent rapport publié par la Banque mondiale a mis en exergue la recrudescence la pauvreté en Thaïlande, c’est à dire du nombre de personnes dont le revenu moyen est inférieur à 90 bahts par jour.
Une situation qui affecte en premier lieu les 40% les plus pauvres du pays, soit des personnes majoritairement employées dans le secteur de l’agriculture et de la construction.
Les individus travaillant dans le domaine de l’agriculture représentent à ce jour un tiers des actifs du pays. Ils produisent des denrées alimentaires de base tel que le riz, le caoutchouc et le sucre dont la plupart sont exportés sur les marchés mondiaux.
« Les salaires des personnes travaillant dans l’agriculture et l’industrie manufacturière n’ont pas augmenté autant qu’il aurait fallu pour réduire la pauvreté, mais l’inverse »
Birgit Hansl, directrice de la Banque mondiale en Thaïlande, lors d’une conférence de presse au FCCT.
Depuis quelques années, les revenus agricoles ont diminué notamment à cause des sécheresses répétées et de la baisse des prix des produits de base.
Une meilleure protection sociale
Pour compenser cette perte de revenu, le gouvernement avait pourtant promis un soutien financier via l’apport de subventions.
« Pour répondre à l’aspiration de la Thaïlande à atteindre un statut de revenu élevé, les ménages thaïlandais auront besoin d’une meilleure protection contre les chocs de revenus tels que la mauvaise santé, la perte d’emploi et les catastrophes naturelles », a ajouté Birgit Hansl.
Investir davantage dans l’éducation
L’éducation comme un investissement sur le long terme pour pouvoir muter l’économie agraire vers une économie basé sur les services.
Dans son rapport, la Banque mondiale a mis l’accent sur l’investissement nécessaire à faire dans l’éducation pour permettre au pays d’effectuer une transition vers des secteurs plus lucratifs à l’instar des services ou de l’industrie.
Permettre à la population thaïlandaise d’accéder à des postes plus qualifiés et à haut revenus lui permettrait d’obtenir un niveau de vie plus élevé et de ce fait de réduire le taux de pauvreté.
Créer plus d’emplois qualifiés
Également, l’organisation conseille à la Thaïlande d’améliorer ses politiques sur les filets de sécurités et de créer des emplois plus qualifiés pour lutter contre les inégalités.
Le pays ne peut plus compter sur les programmes populistes de subventions selon la Banque mondiale
Jusqu’à présent la Thaïlande suivait un programme populiste de subvention du riz : entre 2011 et 2014 le gouvernement a acheté des céréales aux agriculteurs à des prix bien supérieurs à ceux du marché pour augmenter leurs revenus.
A ce jour, de telles politiques ne sont plus envisageables car elles n’ont qu’un effet à court terme pour endiguer l’impact de la volatilité économique, a précisé la Banque mondiale.
Le pays doit également faire face à de nouveaux défis, allant d’une monnaie forte à la sécheresse et, plus récemment, à l’épidémie de coronavirus qui a gravement touché le secteur du tourisme, responsable de 21% du Produit Intérieur Brut du pays.