Cette année il a fait chaud, très chaud, en Thaïlande depuis le début de la saison des pluies. Mais quelles pluies ? Il n’a pratiquement pas plu au mois de mai, et le mois de juin ne s’annonce guère mieux. Une situation dramatique pour les agriculteurs thaïlandais, et surtout pour les plantations de riz qui demandent beaucoup d’eau.

En effet près de 80% de la culture du riz en Thaïlande repose sur un approvisionnement naturel en eau, soit par les précipitations, normalement abondantes en cette saison, soit par l’irrigation fluviale. Habituellement les conditions climatiques exceptionnelles du royaume permettent deux, et même parfois trois récoltes par an. Mais cette année les conditions sont très en deçà du niveau habituel, et pas seulement en Thaïlande : la sècheresse touche aussi la Chine, avec des conséquences importantes sur le Mékong qui irrigue une grande partie du Sud-Est asiatique.

La sécheresse la plus importante qu’ait connue le sud-ouest de la Chine depuis un siècle a pratiquement tari le cours du fleuve Lancang (ainsi que les Chinois appellent le Mékong). Celui-ci est devenu impraticable à la navigation dans certaines régions. Le Mékong est un des principaux fleuves d’Asie du Sud-Est, le dixième du monde et le quatrième fleuve de l’Asie par le débit, son débit moyen atteignant 284 km3 d’eau par an.

Depuis plus de 50 ans, le niveau du Mekong n’a jamais été aussi bas

Cette année, la situation du fleuve Mékong est problématique : depuis plus de 50 ans, son niveau n’a jamais été aussi bas. En Thaïlande les niveaux d’eau dans les réservoirs à l’échelle nationale sont à 15 % de leur capacité totale. Dans certaines régions, les autorités locales ont demandé aux agriculteurs de reporter la plantation du riz d’un mois, par crainte d’épuiser les réserves. Depuis début novembre 2009, les précipitations en Asie du Sud-est étaient très en deçà des normales saisonnières, annonçait déjà en avril dernier l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture.

Mekong River
Au mois de mars dernier, la Mekong River Commission alertait sur le niveau du Mekong – qui traverse la Chine, la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam –, au plus bas depuis 90 ans.

Au mois de mars dernier, la Mekong River Commission alertait sur le niveau du Mékong– qui traverse la Chine, la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam –, au plus bas depuis 90 ans. Selon le Royal Irrigation Department, au 26 mai, les réserves d’eau contenues dans les réservoirs thaïlandais ne s’élevaient plus qu’à 12 millions de mètres cube, soit 16 % des capacités totales. A la même période de 2009, elles atteignaient 17 millions de mètres cube.

Beaucoup se tournent vers la Chine, lui réclamant des explications

En quinze ans, le fleuve est devenu une turbine à produire de l’électricité. Ce qui faisait écrire récemment à l’un des éditorialistes du Bangkok Post : « Les barrages chinois tuent le Mékong ». Les associations écologistes accusent les autorités chinoises de manquer de transparence sur la gestion de leurs  réservoirs, profitant de leur position dominante puisque le pays est situé à la source. Cependant, le vice-ministre des affaires étrangères, Song Tao, lors du sommet sur la commission sur le fleuve Mékong, a rejeté toutes les accusations dont la Chine a fait l’objet :

Les statistiques montrent que la récente sécheresse qui a frappé l’ensemble du bassin est attribuable au temps extrêmement sec ; le déclin du niveau des eaux du Mékong n’a rien à voir avec le développement de projets hydroélectriques.

Le Mékong a toujours été le lieu de conflit entre la Chine et ses pays voisins. Prenant sa source au Tibet, il traverse toute la Chine avant de desservir la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et enfin le Vietnam. Les chiffres concernant sa longueur varient de 4 350 à 4 909 km, et son bassin versant draine 810 000 km2. Né dans le Qinghai (sur les hauteurs de l’Himalaya), le Mékong irrigue successivement la Chine (la province du Yunnan), borde le Laos à la frontière du Myanmar puis de la Thaïlande avant de couler au Laos et de revenir à sa frontière, puis traverse le Cambodge où naissent les premiers bras de son delta, qui se prolonge dans le sud du Viêt Nam où il est appelé traditionnellement le « fleuve des neuf dragons » ou Sông Cửu Long.

Il y a une vingtaine d’année, les chinois ont entamé le début d’un grand chantier d’installation de barrages tout au long du fleuve. Actuellement, la Chine possède 4 barrages et en projette quatre supplémentaires.

Premier exportateur mondial de riz, la Thaïlande, risque d’être confronté à des pertes importantes pour sa prochaine récolte de riz et à une crise en approvisionnement d’eau en raison de la pire sécheresse depuis près de deux décennies.

Environ 70 millions d’habitants vivent directement dans son bassin versant, situé sur des pays totalisant 242 millions d’habitants. Il est notamment utilisé pour l’irrigation, comme réceptacle de systèmes de drainage et d’eaux usées, pour la pêche et la pisciculture, la production hydroélectrique (grâce aux barrages comme celui au Yunnan), le transport et la fourniture d’eau pour l’industrie et les particuliers. Il est également connu pour ses habitations et marchés flottants.

Une commission internationale, la Mekong River Commission, créée en 1995, est consacrée à une gestion transrégionale des conflits et problèmes liés au fleuve, dans une perspective affichée de développement durable3 signé par la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et le Viêt Nam. Le bassin du Mékong abrite les écosystèmes les plus variés au monde.

Les barrages chinois en accusation

Près de la moitié de la longueur totale du Mekong coule en Chine, où ce tronçon du fleuve est appelé « fleuve turbulent » en raison de ses gorges et précipices. Il quitte le pays à une altitude de seulement 500 m. Le Mekong forme ensuite la frontière entre la Birmanie et le Laos sur 200 km, à la fin desquels il rejoint son affluent le Ruak au Triangle d’or. Cet endroit marque aussi la séparation des haut et bas Mékongs.

Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Song Tao, a déclaré lors de la rencontre que la Chine possède maintenant trois centrales hydroélectriques sur le fleuve Lancang, notamment Jinghong, Manwan et Dachaoshan.

« Ce sont trois centrales hydroélectriques à cascade qui ne consomment pas beaucoup d’eau et ont rarement des conséquences sur le volume d’eau qui traverse les frontières ».

Si la sécheresse explique les niveaux historiquement bas du Mékong, les pays situés plus en aval mettent en cause les barrages et la cons truction d’un canal. La Chine a consenti à fournir à la Commission du Mékong (MRC) ses informations sur le niveau des eaux de ce fleuve afin de renforcer les efforts d’intervention devant le tarissement alarmant de ce fleuve. Mais selon la MRC, située dans la capitale thaïlandaise, les données en la matière partagées par la Chine proviendront de sites de contrôle chinois situés en amont du Mékong.

Olivier Languepin

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